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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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difficile, préjudiciable à la prospérité de tes
futurs domaines. Nous souhaitons, noble seigneur, que tu t’engages à ne pas
modifier les sommes que j’ai mentionnées.
    — Je te l’accorde pour une
période de trente ans. Cette mesure s’appliquera aussi aux Nazaréens car je ne
veux pas faire de distinction entre mes sujets dhimmis.
    — Je n’y vois aucune objection.
Tu auras vite fait de réaliser lesquels, d’eux ou de nous, sont les alliés les
plus fiables.
     
    Un matin, une voile blanche fit son
apparition au large de Tingis et se dirigea vers une plage isolée. Quand le
navire fut à quelques mètres du rivage, Badr se jeta à l’eau et, par de grands
signes, prévint Abd al-Rahman et sa suite de la nécessité d’embarquer
immédiatement. Abandonnant alors leurs montures, le prince, le médecin, le
devin juif et une dizaine de soldats pénétrèrent dans l’eau et se hissèrent à
bord du navire qui s’en alla à pleines voiles en direction de l’Ishbaniyah.
Durant la traversée, Badr conféra avec son maître et l’informa des derniers
développements de la situation.
    Le 1 er rabi 138 [38] ,
le petit-fils d’Hisham débarqua à al-Munakab où Arabes, Berbères, Juifs et
Chrétiens lui réservèrent un accueil triomphal. Tout le long de la rue menant à
la citadelle, la foule se pressait et acclamait le jeune prince qui dut passer
la journée et une partie de la nuit à recevoir délégations sur délégations et à
assurer chacune d’entre elles de ses bonnes intentions. Il sut trouver le ton
juste, s’abstenant de viles flagorneries et parlant en monarque soucieux du
bonheur de ses sujets. Cette attitude lui gagna définitivement le cœur de ses
partisans, convaincus qu’ils avaient affaire à un homme d’une autre trempe
qu’al-Fihri et son maudit al-Sumayl.
    D’al-Munakab, Abd al-Rahman se
rendit chez Ubaid Allah Ibn Othman. Cet aristocrate l’impressionna par son
franc-parler et la lucidité de son jugement. D’emblée, il lui demanda s’il
avait l’intention de se faire proclamer khalifat al-Rasoul, « vicaire de l’Envoyé de Dieu », en un mot calife à la place
d’al-Saffah. Le jeune prince lui parla à cœur ouvert :
    — C’est une hypothèse à
laquelle je songe. Je suis le petit-fils d’Hisham et le traître qui a assassiné
mes nombreux parents est un vil usurpateur qui ne mérite pas, du fait de ses
crimes, le titre que lui ont conféré des docteurs de la Loi tremblant pour leur
vie.
    — Je comprends ta colère mais
elle est mauvaise conseillère. Si tu franchis ce pas, beaucoup de tes partisans
t’abandonneront. Ils n’entendent rien changer au statu quo qui prévaut ici.
L’Ishbaniyah est quasi indépendante et al-Saffah est bien loin. Les cadis
locaux ne plaisantent pas avec l’interprétation du saint Coran et des hadiths.
Ils se feront un devoir de lancer l’anathème contre toi si tu prétends prendre
le titre de calife. Abstiens-toi donc de le faire.
    — Mon lignage et mon honneur
m’interdisent de me contenter du simple titre de gouverneur.
    — Aussi est-ce pour cela que
mes amis et moi t’offrons de te reconnaître comme amir al-akram wa al-malik
al-muazzam, « l’émir très noble et le roi très respectable de ce
pays ». À deux conditions : tu battras monnaie au nom d’al-Saffah et,
lors de la prière du vendredi, tu feras dire celle-ci en invoquant le calife
actuel.
    — Cela ressemble plus à un
ordre qu’à un conseil !
    — C’est un avis inspiré par
l’affection que je te porte et dont tu apprécieras plus tard la sagesse.
    Après avoir longtemps hésité, Abd
al-Rahman se fit proclamer émir dans la mosquée d’Urshuduna [39] . Devant le bâtiment,
une foule en liesse s’était rassemblée et arborait les étendards blancs des
Omeyyades ; elle brûla les étendards des Abbassides, d’un noir aussi
sombre que l’âme perfide d’al-Saffah. Cette proclamation eut un résultat
inattendu. Un matin, un envoyé de Youssouf al-Fihri se présenta aux portes de la
ville et remit à Abd al-Rahman une lettre du gouverneur faisant allégeance au
nouvel émir et lui proposant, pour sceller leur réconciliation, sa propre
fille, Najet, en mariage, lui vantant sa bonté, son intelligence et sa douceur.
    Abd al-Rahman demanda à Azim Ibn
Zyad ce que cachait cette offre :
    — Très noble roi, elle
n’évitera pas le bain de sang qui se prépare. Ce vieux renard attend sans doute
des renforts de Damas et veut gagner

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