Templa Mentis
désagréable s’était formé dans sa poitrine, une sorte de vertige ne le quittait plus. Il s’acharnait à lutter contre l’embrouillement de ses idées, contre la confusion de ses sentiments. Héluise semblait bagarrer en lui pour reprendre le contrôle de son existence. Fichtre, il divaguait. Héluise et Druon étaient une même personne, un même esprit. Peut-être pas. Druon ne s’était accordé que peu de sentiments depuis son travestissement en jeune homme, conscient que seuls son intelligence et son savoir le pouvaient sauver. Hormis Huguelin, il avait repoussé par prudence toutes les intenses affections, conscient des faiblesses qu’elles engendraient. Et ne voilà-t-il pas que d’autres émotions le prenaient d’assaut, si vives, si impérieuses qu’il en avait le tournis. À cause de Louis d’Avre. Qu’était-ce ? S’agissait-il de l’amour qui pousse une femme vers un homme ? Cela n’avait rien à voir avec l’amour qui l’avait uni à son père, Jehan. Un immense amour, mais un amour paisible, sans crainte, sans expectatives. Lui venaient d’ahurissantes pensées : la sensation qu’Héluise éprouverait lorsque la main de Louis d’Avre frôlerait ses seins, son ventre, les frissons qui la parcourraient lorsqu’il baiserait sa nuque.
Huguelin avait déjà enfilé son chainse de nuit pour se glisser dans leur lit. Il avait claironné :
— J’ai fini, mon maître, et me cache les yeux afin que vous vous dévêtiez.
Se déshabillant en silence, Druon/Héluise s’était admonesté. Assez avec ces égarements de donzelle ! Il avait d’autres choses cruciales à élucider plutôt que de se laisser aller à d’ineptes rêveries de fille : deux meurtres abjects et la vérité au sujet de son père.
De fait, il avait redouté que sa nuit soit aussi blanche que la clarté de lune presque pleine filtrant par les fentes des volets rabattus. Pourtant, le ronronnement doux de l’enfant assoupi à ses côtés, le corps léger qui se pressait contre son flanc, y cherchant le réconfort tel un enfançon, avaient apaisé Druon. Il s’était endormi.
C’est donc tout à fait revigorés qu’ils se réveillèrent au matin. Huguelin expédia ses ablutions devant la table de toilette et enfila ses vêtements à la hâte. Son estomac le tiraillait.
— Rejoins donc dame Blandine et messire Leguet en bas, afin que je me lave, conseilla Druon.
Le garçonnet fila.
Druon grimaçait, se comprimant les seins à l’aide de la large bande de lin, lorsqu’un grattement à la porte le fit bondir et récupérer son mantel afin de se couvrir.
— Mon maître ? Un message de messire d’Avre.
— Tu es seul ?
— Oui-da.
— Entre.
Le cœur de Druon s’était emballé, cognant dans sa poitrine. La peste était des sentiments ! Quelle complication !
Pendant que le jeune mire achevait de se vêtir, le garçonnet, de dos par pudeur, débita :
— Le seigneur bailli vous fait dire que sa visite en l’abbaye des Clairets l’a tout à fait convaincu et qu’il sera de retour céans à l’après-demain. Il devait rejoindre Nogent-le-Rotrou, y ayant affaire pressante. Anchier Vieil a relayé le message auprès de dame Blandine.
Druon ne sut ce qui l’emportait en lui, de la déception de ne pas revoir Louis d’Avre sitôt, ou du soulagement de jouir d’un répit afin de remettre de l’ordre dans son cœur et dans son esprit. Au moins Luc d’Errefond n’avait-il pas menti au sujet de ses épouses.
Le repas matinal terminé, Druon avait décidé d’accompagner maître Leguet jusqu’en son officine. Il aimait bien cet homme affable, bon, et son invraisemblable étourderie l’amusait. Blandine, toujours souriante, avait dû rappeler à son époux la liste des préparations à réaliser avant le midi. Gabrien Leguet s’était exclamé :
— Ah, ma chère douce, que deviendrais-je sans vous ?
— Et moi sans vous, mon mi !
Le jour se levait avec paresse lorsqu’ils sortirent de la belle demeure de l’apothicaire, Huguelin en tête.
La violente pluie de la nuit avait nettoyé les ruelles et le froid vif qui s’installait décimait les derniers insectes, atténuant les odeurs de détritus en décomposition en attente des charrois les emportant à l’extérieur de la bourgade. Les villes allaient retrouver une fausse propreté qui ne persisterait que jusqu’aux premiers jours du printemps.
— Messire mire, sans souhaiter me montrer indiscret, puis-je
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