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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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quinzaine d’années.
    Le comte d’Entremont considéra son reflet dans un miroir accroché au mur du petit cabinet d’aisances.
    — Plutôt le barbier, répondit-il devant son air négligé.
    — J’en ai aussi la fonction. Mon défunt père l’était.
    Jacques s’écarta des eaux sales pour finir de se sécher.
    — Bien. Très bien. Tu prendras soin alors, en plus du bouc, de me tailler la crinière. Je veux être digne du premier regard de dame Hélène lorsqu’elle acceptera de me recevoir.
    Le valet secoua la tête.
    — Je crains fort que ce ne soit pas tout de suite. Le travail a recommencé.
    Jacques suspendit son geste, laissant béer sur sa cuisse musculeuse la serviette qu’il avait entrepris d’enrouler autour de sa taille.
    — Comment ça « recommencé » ? N’a-t-elle pas donné naissance à une petite Gasparde juste avant mon bain ?
    — Si messire. Mais un autre enfançon est annoncé.
    Jacques de Montbel étouffa un juron.
    — Mes habits ! exigea-t-il, inquiet.
    Accoucher de jumelles, voilà bien un défi à la mesure d’Hélène de Sassenage. Mais certainement pas sans danger. Les exemples étaient nombreux qui avaient vu périr la mère, le ventre plein encore d’un des deux enfants.
    — Que fait-on de votre barbe ?
    Jacques moulina des bras.
    — Au diable l’apparence. Hâte-toi !
    *
    — Assez, assez, assez ! Je n’en puis plus. Pitié, Gersende ! supplia Hélène en retombant lourdement sur l’oreiller.
    Inondée de sueur, les traits ravagés par des heures et des heures de travail, elle s’était enfin crue soulagée lorsque le petit corps était apparu. L’accalmie n’avait pas duré. À peine le temps de prendre sa fille dans ses bras et de s’émerveiller devant sa peau lisse, soyeuse, dépourvue de toute pilosité, et les contractions avaient repris. Hélène avait pensé qu’elle expulsait la poche comme ç’avait été le cas lorsque Constantin était né. Gersende n’avait pas mis deux minutes à la détromper. La rondeur persistante de son ventre alliée à la petitesse de l’enfançonne confirmaient une gémellité.
    C’était une heureuse nouvelle dans une maisonnée, avait claironné Gersende. Algonde l’avait approuvée. Mais Dieu de Dieu ! songeait Hélène au bord de l’évanouissement, elle aurait préféré s’en passer.
    — Un effort encore. Vous y êtes presque, insista l’intendante, la tête glissée entre les cuisses relevées d’Hélène.
    — Peux plus, Gersende. Peux plus, hoqueta cette dernière en pressant plus fort la main d’Algonde.
    Pour toute réponse, une claque vigoureuse lui empourpra la cuisse, la rabattant de surprise et d’indignation vers celle qui la lui avait administrée.
    — Vous voyez bien que vous pouvez vous relever ! Poussez maintenant ! Allons ! Poussez !
    Hélène la foudroya d’un regard noir, mais obéit. Quand bien même elle aurait renoncé, son corps l’exigeait. Elle s’escrima, soufflant, ronflant, avant de nouveau de se rabattre en arrière.
    — De l’air. De l’air ou je meurs.
    — Vous mourrez après. Poussez ! insista Gersende qui voyait le crâne se présenter.
    — Mauvaise ! Vous n’avez pas de cœur, soupira Hélène à bout de forces.
    — J’en ai assez pour sauver ce petit être qui est en train de bleuir !
    Cette perspective redonna à Hélène un semblant de courage. Lâchant enfin les doigts meurtris d’Algonde, elle s’empoigna les genoux pour mieux forcer.
    Algonde en profita pour se diriger vers la fenêtre. La chambre empestait le sang, la sueur et les excréments, malgré l’eau de thym que Gersende employait pour désinfecter. Elle jeta au passage un œil sur la petite forme enroulée dans une couverture. Indifférente aux halètements et aux râles de sa mère, Gasparde s’était endormie, quelques minutes seulement après son premier bain donné par Algonde. Une pointe douloureuse rattrapa cette dernière. En cet instant, Elora lui manquait.
    — Ça vient, on y est presque…
    Algonde ouvrit la croisée et s’accrocha à son rebord pour inspirer l’air que la nuit n’avait pas rafraîchi. La saison des orages semblait ne pas vouloir finir, cette année.
    — Gnnnnnnnnnn !
    Algonde connaissait bien ce grondement animal. Elle allait se retourner lorsque son attention fut captée sur la grand-route par trois cavaliers qui s’en venaient ventre à terre dans un ciel empourpré. Algonde appliqua sa main en visière. Le jour

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