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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tendait.
    — Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il.
    — Comme un arbre mort flottant sur la rivière. Un gros, très gros arbre, trouva-t-elle la force de plaisanter.
    — Vous demeurez ravissante, croyez-moi…
    Elle n’en crut rien. Qu’importe. L’heure n’était pas aux apparences.
    — La mort de cette enfant m’arrache le ventre, comte, mais je n’ai plus de larmes. Juste du froid à l’intérieur. Un froid glacial. Et tout à côté une chaleur intense lorsque je pense aux deux autres mais aussi à Algonde, à Petit Pierre, à Constantin. Vous l’avez vu ? Constantin… C’est mon fils. Le mien et celui de Djem. Un Géant velu de dix ans à peine…
    Jacques de Montbel ne trahit rien de son trouble. Oui, il avait vu Le Galoup la veille qui jouait avec Petit Pierre. Et entendu quelques minutes plus tôt la vérité de la bouche d’Algonde.
    — Qu’espérez-vous, Hélène ? Me choquer ? Rien ne le peut venant de vous. Tout au contraire, votre confiance m’honore. Et me touche.
    — Je voulais que vous le sachiez, puisqu’il semble que vous me trouviez toujours en situation délicate, pour ne pas dire désespérée.
    — Peut-être ne suis-je né que pour vous sauver ?
    Un sourire triste passa sur les lèvres d’Hélène. Elle replongea dans son regard empreint d’une profonde bonté.
    — Si vous m’aviez laissée mourir, la dernière…
    Il se pencha pour brandir un index devant ses lèvres.
    — Taisez-vous ! Je n’ai été que la main de Djem en cet instant, rien d’autre, mais je m’en félicite et m’en réjouis chaque heure, chaque seconde depuis. Et plus encore au regard de ces enfançonnes que vous lui avez données.
    Un clignement des paupières. Il se demanda si elle acquiesçait à son propos ou si elle avait seulement voulu endiguer une larme. Qu’importe, songea-t-il, ils auraient tout le temps. Plus tard.
    Il retira son doigt, humide, de son souffle. Le promena sur sa joue.
    — Dans quelques heures votre cauchemar sera terminé, Hélène. Libre à vous de me renvoyer ou de me garder à vos côtés. Quoi qu’il en soit, je respecterai votre choix, comme je l’ai toujours fait. Mais en veillant sur vous et vos filles ainsi que Djem me l’a demandé.
    La gorge nouée à ce souvenir, elle ne sut que répondre et fut soulagée d’entendre frapper.
    Plus encore de se retrouver en quelques minutes entourée de ceux qu’elle aimait.
    Seul le père Vincent tordit le nez lorsque, renchérissant sur le baron Jacques, Hélène lui demanda de baptiser la défunte.
    — Un corps sans âme ? Ce serait un sacrilège, voyons. Une injure au Très Haut, ma fille !
    — Libre à Dieu d’avoir repris l’âme de cette enfant avant que j’aie pu la regarder, mon père. Je l’ai portée en moi. Elle a grandi en moi et je ne peux accepter de n’en laisser aucune trace, nulle part. Vous ne pouvez nier qu’elle a existé au regard du Seigneur, comme au mien. Je veux que ses sœurs le sachent.
    Il céda devant son visage ravagé par l’effort autant que par la détresse. N’avait-il pas vu dans cette maisonnée de plus étranges coutumes ? Jamais Dieu ne les lui avait reprochées.
    Gasparde, Françoise et Laurence.
    Il venait de les inscrire toutes trois et s’apprêtait à donner les sacrements à la dernière lorsque Constantin se détourna de la fenêtre vers laquelle son œil avait été attiré.
    — Hâtez-vous, mon père, s’exclama-t-il. Trois cavaliers approchent de la garde et je suis prêt à parier qu’Hugues de Luirieux en est.
    Enguerrand porta sa main à l’épée.
    — Cette fois, foutredieu ! je l’embroche !
    — Non ! le retint Hélène, fauchant son élan à quelques pas de la porte.
    Tous retournèrent vers elle un regard éberlué. Elle le soutint sans sourciller.
    — Qu’il meure, oui, qu’il meure, mais pas ici. Pas encore. J’ai signé des actes notariés qui me dépossèdent en sa faveur. S’il passe, tout ira à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean.
    Elle serra les poings sur un sursaut de colère.
    — Je ne peux pas m’y résoudre. Pas après ce qu’ils ont fait à Djem…
    Algonde se détacha de la croisée par laquelle, à son tour, elle s’était empressée d’évaluer le temps qu’il leur restait. Cinq minutes. Dix peut-être si Janisse les aidait.
    — J’ai une idée, dit-elle. Qui nous vengera tous après avoir fait rendre à Luirieux ce qu’il a volé.
    Enguerrand remit son arme au fourreau dans un

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