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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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privée de sépulture et ballottée au gré de marchandages sordides, l’enfant à venir et le désir d’Hélène de le mettre au monde à Sassenage que le baron Jacques venait d’accepter. Hélène attendait de Gersende qu’elle prépare son logis en conséquence, ne sachant quand les aléas de la route la feraient arriver.
    L’œil retenu par la floraison printanière que lui offrait un élégant jardin clos au-delà des vitres ouvertes, Gersende soupira.
    — Je n’ai pas voulu endeuiller ces retrouvailles, mais ton insistance à nous garder à tes côtés…
    Algonde releva enfin la tête, le cœur serré.
    — Je comprends, mère, il ne faut pas t’inquiéter. Au contraire, promets-moi de prendre soin d’elle et, dès que possible, de me l’amener.
    — Cela va de soi, ma bécaroïlle.
    Algonde replia la lettre avant d’ajouter, d’une voix blanche :
    — La dernière fois que je l’ai vue au travers de mes pouvoirs, elle chevauchait au milieu des janissaires, tout près de Djem, libéré enfin. Il y avait du bonheur sur leurs visages. Un bonheur si grand…
    Gersende lui releva le menton d’un doigt recourbé.
    — Il faut en jouir lorsqu’il s’invite. En ce monde, rien ne dure jamais, tu le sais bien.
    Algonde accompagna de la joue le revers caressant de cette main aimée, qui, naturellement, en avait suivi l’ovale. Toutes deux isolées dans le souvenir d’une enfance heureuse bercée de tendresse, elles restèrent quelques secondes ainsi, avant qu’Algonde ne soupire, autant apaisée que chagrinée.
    — Tu vas me manquer, mère.
    — Toi aussi, approuva Gersende en laissant retomber son bras. Mais Sassenage est tout près. Je te promets de revenir bientôt. Avec ou sans Hélène. Peut-être apportera-t-elle aussi des nouvelles d’Elora. Elle n’en parle pas dans son courrier, mais…
    La bouche d’Algonde se tordit vilainement à l’évocation de sa fille, faisant renaître une pointe de tourment.
    — J’en doute. Elora avait sa propre quête à mener. Moi non plus je ne t’ai pas tout dit, maman : l’ombre de Marthe plane au-dessus d’elle. Elora l’a perçue à plusieurs reprises.
    Gersende blêmit. Elle l’attira un peu plus loin de Janisse qui, resté auprès d’Enguerrand et de Présine, tournoyait autour de la table dressée en face de la monumentale cheminée. Le cuisinier trompait sa tristesse du départ en gestes et paroles anodines, auxquels le chevalier et la fée prêtaient l’indulgence de leur propre émotion.
    Gersende, quant à elle, ne les entendait pas, ramenée brusquement en arrière.
    — Crois-tu la petiote en danger ?
    — Non, non, pas ainsi que tu le crains. Elora est de taille à lutter contre Marthe. Ce que je redoute est plus sournois. Tu te souviens de cette mixture que la Harpie m’a forcée à ingurgiter ?
    — Celle qui a déclenché tes couches ?
    — C’est cela, oui. Présine pense que Marthe l’a composée à l’aide de son propre sang pour pervertir la lumière d’Elora et que, par la suite, tandis que nous étions à la Bâtie, elle a continué à lui en administrer.
    — Et ?
    Algonde balaya l’air d’une main ennuyée.
    — Je ne sais pas. C’est un peu comme une maladie inguérissable, mais discrète. Elle peut te laisser en paix ou te faucher, brutalement.
    — Tu veux dire qu’Elora pourrait basculer ? se rallier à Marthe ?
    Algonde arrêta son regard sur une tapisserie d’Aubusson qui ornait d’une scène courtoise un pan de mur entre deux portes, mais son esprit continuait sa course.
    — Dans l’absolu, c’est possible, même si tout en moi le refuse. Pour ma part, je pense seulement que Marthe la surveille. D’où ? Par quel moyen ? Je l’ignore, mais elle est là, quelque part, et elle attend que toutes les pièces soient en place. À moins que, comme le croit Elora, elle n’en prenne une, stratégique, pour déstabiliser le jeu sur l’échiquier et forcer son esprit à basculer. À notre dernier contact, Elora avait décidé d’œuvrer pour l’en empêcher. J’ignore si elle y est parvenue.
    Gersende se sentit balayée d’un froid glacial. Elle lui pressa le bras pour se réchauffer de son contact.
    — Palsambleu, mes caillettes ! allez-vous vous quitter ou commandons-nous à déjeuner ? s’époumona maître Janisse dans leur direction.
    — Je viens, je viens, mon époux ! s’empressa Gersende.
    — Pas un mot à Hélène, bien entendu. N’ajoutons pas de

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