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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de là, soulevant les rires, Mathieu testait sa dextérité recouvrée en soulevant les jupons d’Algonde.
    — Je suis navrée de vous avoir assommé, baron, dit Mounia d’une voix forte.
    Les autres se turent aussitôt, autant par incrédulité que par incompréhension. Aucun d’eux n’avait imaginé qu’elle les avait trompés.
    Mounia eût pu n’en rien dire, mais savait, du plus profond d’elle, qu’elle leur devait la vérité.
    Elle brava leur silence revenu, comme Plantine l’avait fait.
    — Non, personne ne m’enleva, sinon le souvenir de la mort d’Hugues de Luirieux et les paroles de Présine hier soir. Pourquoi ? Parce que m’est venue cette question, terrifiante. Par ce crime et tant d’autres, commis par la plupart d’entre nous, étions-nous moins condamnables que Marthe ?
    Ils blêmirent, tous, sous l’accusation.
    Sans leur laisser le temps de se défendre, Mounia reprit :
    — J’ai entendu de ta bouche, Mathieu, le récit de la fin de Mélusine. Souffrit-elle plus que le prévôt, à ton avis ? Je ne crois pas. Quand bien même, ce jourd’hui, Marthe serait encore parmi nous, je la défendrais par ces mots. Face à la souffrance et à la détresse, nous sommes tous des monstres en puissance. Apophis est né de la vengeance, Marthe est née de la vengeance et nous-mêmes. Notre communauté. N’a-t-elle pas été unie vraiment dans les hurlements de Luirieux ?
    Ils baissèrent le nez, rattrapés par leur passé.
    Catarina par l’empoisonnement d’un des soldats du roi, Lina par l’assassinat de son époux en Sardaigne, Enguerrand par ses actes de piraterie, le baron par ses guerres aux côtés du roi, Sidonie par la bacchanale dans laquelle elle émascula son premier mari, Briseur, Celma, La Malice et Mathieu par leurs crimes de grand chemin, Algonde, Nycola, Gersende et Janisse par leur complicité dans la mort de Luirieux.
    Mounia le lut sur leur visage. Le doute.
    — Un seul être refusa d’assister à cette agonie. Elora. Souvenez-vous de ses paroles ce jour-là, pour justifier son absence. « Je n’ai que le pouvoir de vie, pas celui de mort. » Le pouvoir de vie. Et d’amour. Il existait en Marthe, au plus profond de sa noirceur. Plantine était toujours là, emmurée comme je l’ai été, moi. Je l’ai sentie tout au long de ces journées de geôle, je l’ai perçue tandis qu’elle m’arrachait à la mort et me chargeait de ces mots pour Elora. « Il faut tromper le mal, parfois. » Alors, cette nuit, j’ai compris son message, mais aussi celui d’Elora et de Présine. Il faut tromper le mal pour mieux le vaincre. La rédemption ne naît pas de la haine, mais du pardon. L’une attire la mort. L’autre est vie. Mais les deux viennent d’un même espoir. Trahi ou comblé. L’amour. Plantine se serait-elle laissé dominer par Marthe si Présine lui avait ouvert ses bras plus tôt ? Apophis serait-il devenu un monstre si les Anciens ne lui avaient pas interdit de revoir Présine ? Et chacun de nous, d’une manière ou d’une autre, que sommes-nous, qu’avons-nous été sans amour ?
    — Rien, répondit La Malice en serrant de son bras les épaules recouvertes de Catarina.
    Mounia leur sourit.
    — En rejoignant Marthe, j’ai ouvert une brèche en elle. Celle qu’attendait Plantine depuis longtemps pour trouver la force de renaître. Et j’en suis fière, car, demain, notre combat à tous sera là. Ramener un monde, tout un monde vers la lumière. Nous sommes trop peu, songerons-nous parfois. Peut-être. Mais peut-être pas si nous acceptons nos différences, nos travers et nos erreurs. Si nous avançons toujours ensemble, derrière Elora. Et s’il faut vous en convaincre encore, demandez à Constantin ou Khalil, qui ont vu, comme moi, Plantine s’offrir, seule, à la Harpie pour sauver les enfants de cette Terre.
    Leurs regards troublés glissèrent vers la fée, dont une des mains retombées s’était soudée à celle de sa mère.
    — Je n’ai fait que ce que je devais, affirma-t-elle. Les Harpies avaient été envoûtées pour que rien ne les dévie de leur tâche, pas même leurs penchants. Je savais que la dernière se précipiterait sur moi. Elora l’a fauchée d’une flèche à ce moment-là, quelques fractions de seconde avant que je perde souffle.
    Sortant de sa réserve naturelle, Constantin vint s’accrocher à ses doigts et darder sur la communauté son faciès velu. Les sourires s’étirèrent les uns après les

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