Terra incognita

autres, dans leurs visages ravagés par l’émotion. Mounia avait eu raison. Présine le leur avait dit la veille. Ils étaient tous les enfants du pardon.
    — Elle est des nôtres, pour sûr, Plantine est des nôtres, lança Janisse en essuyant une larme du revers de son tablier.
    — Parfait, se réjouit Constantin, car il faut une reine à un roi et j’espère bien la convaincre d’être celle-là.
    Présine sentit son cœur se gonfler tandis que montaient vers le ciel leurs chapels et leurs hourras.
    Et plus encore lorsque Bouba, ressorti enfin de sa cache où l’avait précipité la harpie, grimpa le long de son épaule et s’installa sur sa tête blonde, en applaudissant à tout-va.

ÉPILOGUE
     
    Ce même soir, sous un ciel resté clément, ils dressèrent table sur le pont savonné et s’y installèrent, tous, une dernière fois.
    Tandis qu’au large de la baie un iceberg dardait sa masse bleuâtre, que des pingouins remontaient sur les bandes de terre, Janisse, qui venait de servir la soupe, se planta devant le baron, les poings sur les hanches dont une, du coup, se trouva barrée par la louche.
    — Alors, messire ? Vous ne voulez vraiment pas nous accompagner là-bas ? Après tout ça ?
    Jacques de Sassenage sentit les regards se ramener vers lui.
    — L’envie ne m’en manque pas, je l’avoue, mais Hélène qui guette des nouvelles nous imaginerait tous perdus. Je m’y refuse. Elle a vécu assez de chagrin déjà. Nous irons pourtant jusqu’au passage pour le garder en mémoire et, un jour, mes amis, un jour, je vous l’assure, vous verrez ressurgir sur les Hautes Terres ceux qui ne vous oublieront pas.
    — Parlons-en un peu, justement, de ce fameux passage, demanda Janisse pour masquer son émotion, quand y aborderons-nous ?
    Elora se mit à rire.
    — Nous ne l’aborderons pas, maître Janisse, il nous avalera. En plein milieu de l’océan.
    — Et nous ressortirons sur les Hautes Terres ? s’étonna Jean.
    — Oui, directement sur une autre étendue d’eau. Comme si l’espace et le temps avaient été gommés.
    — Nous serons plus vieux ? espéra Mayeul qui aurait bien aimé grappiller quelques pouces.
    Elora se mit à rire.
    — Ni plus vieux ni meilleurs, juste nous-mêmes. Tels que nous voilà.
    — J’ai encore une question, souleva Petit Pierre, sa cuillère en suspens, elles sont où, ces Hautes Terres ?
    Elora leva les yeux vers la nuit. Des myriades d’étoiles habitaient son manteau, plus étincelantes les unes que les autres.
    Elle en pointa une du doigt.
    — Les voici. Dans la constellation d’Orion, dit-elle.
    Tous s’y attardèrent, emplis des mêmes rêves et des mêmes espoirs. Sauf Petit Pierre qui soupira en caressant la tête de Noiraud.
    — Trop haut. On n’y arrivera pas…
    — Impossible n’existe pas, répondit Gersende, assise à ses côtés en décochant un clin d’œil en direction de son père.
    Mathieu avait noué sa main dextre dans celle d’Algonde. Alors Petit Pierre se mit à rire, comme eux, comme tous, parce que Gersende avait raison.
    L’impossible n’existait pas.
    *
    Ils le vérifièrent moins d’une semaine plus tard, sous les yeux du baron et de Sidonie qui, les suivant de loin, virent brusquement disparaître le navire et tout aussitôt un filament de lumière monter vers le ciel.
    Restés seuls face à l’immensité de l’océan, ils se pressèrent un peu plus l’un contre l’autre, puis le baron fit changer de cap.
    Longtemps passerait avant qu’ils gagnent les Hautes Terres à leur tour.
    Oui, bien longtemps.
    Mais, comme ce qu’il advint de la communauté là-bas, cela est une tout autre histoire dont aucun livre de bord ne parla…

REMERCIEMENTS
     
    Chers vous tous,
     
    Ce dernier chapitre clôt la saga de la « Légende des Hautes Terres » et ses deux cycles :
    « Le Chant des sorcières » et « La Reine de Lumière ».
     
    Vous avez été nombreux à m’éclairer au long de mes recherches, de l’écriture, et de l’édition.
    Plus encore à me soutenir au quotidien.
    Pour une fois, je ne vous citerai pas nommément. Vous formez désormais une communauté chaleureuse qui a nourri celle de ces livres. Certains l’ont quittée, d’autres l’ont intégrée. La vie est ainsi faite. Une histoire en mouvement. Qui s’écrit de confiance.
    Vous vous reconnaîtrez dans ce bref hommage ou au travers de la bibliographie qui suit et savez déjà toute ma reconnaissance et mon affectueuse