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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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anticipé, en rentrant de ses noces, qu’avoir ordonné la prise de ses gens rendrait sa maison sans domesticité. Il n’avait trouvé en guise de matinel qu’un massepain de la veille assorti de lait caillé et ne voulait pas manquer devant son épousée. Aux aurores, il avait réagi en envoyant ses hommes dans les villages alentour mais aucun serviteur ni intendant ne s’était encore présenté.
    Rompant ses soucis matériels, la vue de Petit Pierre le ravit, au moins autant que la capture de Mathieu. Il avait besoin du brigand pour confondre Enguerrand de La Tour-Sassenage lorsqu’il le présenterait devant ses juges. Avec son fils en otage, Mathieu n’aurait d’autre choix que d’accabler le chevalier, accréditant le témoignage de tous ceux qui, dans l’église collégiale, avaient assisté aux débordements de ce dernier. Sire Enguerrand était perdu. Ne resterait plus qu’à les pendre tous deux. Côte à côte, sur la grand-place de Romans. Bien sûr on grincerait des dents dans la noblesse, mais, après tout, qui était Enguerrand de La Tour-Sassenage, sinon un bâtard né de l’union scabreuse d’une épouse légère et d’un soudard ? Non, cette fois, le chevalier ne trouverait personne pour le défendre et le sauver.
    À cette perspective, sa migraine s’envola et, malgré le regard de haine de Petit Pierre à son encontre, le prévôt se frotta les mains de contentement.
    Il fut de courte durée. Ronan de Balastre parut sur le seuil à son tour, la mine basse.
    — J’ai une mauvaise nouvelle, messire…
    Il marqua un temps d’arrêt, tordit la bouche d’agacement avant d’ajouter, devant Petit Pierre qui s’agitait :
    — C’est rapport au Mathieu. À voir le sang qui lui coule par le nez, je crois qu’il est crevé.

35
     
    La traversée avait été brève. Poussé par un vent régulier depuis qu’ils avaient quitté le port sur les recommandations de la Khanoum, le navire les avait menés jusqu’à Alexandrie. De là, ils avaient remonté le Nil jusqu’à la hauteur d’Héliopolis.
    Ce 3 juin, Mounia avait le cœur serré, même si la présence de Khalil à ses côtés la rendait plus forte pour affronter son passé.
    — Est-ce bien nécessaire ? C’est vers demain qu’il faut se tourner, lui avait objecté son fils en devinant son tourment derrière la détermination.
    Elle l’avait pris aux épaules, s’étonnant chaque jour davantage de le voir grandir, devenir homme avant l’âge.
    — Je dois rencontrer ces fellahs. C’est important pour moi. Et pour nous tous de descendre en le tombeau d’Osiris, avait-elle ajouté en direction d’Elora.
    Ils en avaient discuté durant la traversée.
    Le jour tragique de la mort des siens, ils n’avaient pas pris le temps d’en explorer tous les secrets. Mounia en était convaincue. Quelque chose d’essentiel les y attendait, que, même s’il était revenu sur les lieux, Enguerrand aurait été incapable de déchiffrer.
    — Ta mère a raison, Khalil. J’en éprouve moi aussi la nécessité, avait tranché Elora.
    *
    Mounia abandonna son dromadaire aux mains de Nycola.
    — J’ai besoin d’être seule quelques minutes, dit-elle en embrassant son fils sur le front.
    Elle accepta le falot qu’il lui tendit, prit une profonde inspiration et avança droit devant.
    De fait, l’endroit était tel qu’en cette autre nuit, les parfums et la lumière, identiques. Mounia sentit sa détresse remonter en elle comme une houle longtemps refoulée. Son œil balaya la cour intérieure, se réappropria le bassin central, comme hier empli d’un sable ocré. À senestre, plaqué contre le mur de la première aile, le cloître hathorique, baigné de pénombre, depuis lequel les hommes d’Hugues de Luirieux avaient tiré. En face, le corps central du palais. À dextre, l’autre bâtiment, celui des serviteurs, avec cette petite resserre d’huile où les siens s’étaient réfugiés. À l’exception de cette porte, à demi arrachée, plus rien, sous le ciel étoilé, ne laissait deviner ce qui s’y était passé.
    Mounia se dirigea d’un pas lourd vers le réduit béant, marqua un arrêt à l’endroit où elle s’était jetée sur le corps de sa mère que Luirieux venait d’achever 8 .
    Elle le dépassa. Écarta le pan de bois d’une main tremblante. Entra. Balaya sa lanterne dans le vide de la pièce. Même les jarres avaient été enlevées.
    Elle s’immobilisa. Leva plus haut sa lanterne pour inonder le mur

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