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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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hampe tout en retenant le corps, épuisé, contre le sien.
    La Malice ne trouva pas la force de crier. Il ferma juste les yeux et se sentit glisser.

34
     
    Les poings liés sur les reins, Mathieu avait été jeté à plat ventre et sans le moindre ménagement en travers de la monture de Ronan de Balastre. Malgré l’attention qu’il mettait à bander vers l’arrière les muscles de son cou pour ne pas abîmer son visage contre le flanc du cheval, le raclement du crin lui brûlait la peau. La poussière soulevée par le galop lui pénétrait les narines jusqu’à l’étouffement, et il devait lutter pour respirer par petites bouffées entre deux quintes de toux. Ajoutant à cet inconfort, le sang lui montait à la tête, réveillant la migraine qui l’avait accablé à la Rochette après son coup de massue.
    Pour s’y soustraire, Mathieu se serait volontiers laissé glisser sous les sabots si son geôlier n’avait jugé prudent de l’attacher au pommeau de sa selle. Lors, douloureux et abruti, il n’aspirait plus qu’à atteindre leur destination au plus tôt.
    Devant lui, Petit Pierre connaissait meilleur sort. Torval le pressait fermement contre sa poitrine. La menace d’exécuter son père avait suffi à le garder tranquille. Il regardait droit devant lui ces éclairs qui, au loin, s’invitaient au festoiement de l’aube et traçaient une route démente à leur chevauchée.
    L’esprit ailleurs.
    Dans ces minutes qui avaient précédé l’attaque, ahuri encore du méchant tour que le destin leur avait joué.
    *
    — Tu dors ?
    Il avait répondu « non » à Mayeul, par-dessus le ronflement que Mathieu opposait entre eux.
    — J’ai besoin de faire…
    — Maintenant ?
    — T’as eu le temps toi ?
    Un court silence, puis Mayeul avait renchéri.
    — Ça va pouir, faut que je m’éloigne. Tu m’accompagnes ?
    — Qu’est-ce que tu crains ?
    — Les gorets. J’ai encore les habits qui sont imprégnés de celui qu’on a coursé.
    Petit Pierre avait pouffé à l’idée du derrière de Mayeul bousculé par un groin. Lors, il s’était dégagé de la chaleur de son père qui le collait de trop près. Mathieu avait émis un grognement réprobateur, puis, rassuré par la voix de son fils dans son oreille, avait laissé son bras retomber sur la mousse.
    Les deux garnements s’étaient présentés de concert devant La Malice. Le petit homme leur avait allumé une seconde lanterne, avant de baisser la voix pour ne pas réveiller Mathieu.
    — Prenez par la dextre, à trois pas de la chênaie, pas davantage, et rendez le cri de la hulotte en revenant.
    — Compris.
    Ils n’étaient guère allés plus loin, de leur idée. Juste quatre ou cinq arbres, à cause du vent qui s’était levé et qui courait vers les leurs. Ils avaient avisé un cerne de champignons vénéneux. Par jeu, côte à côte, ils avaient posé le falot puis culotte par-dessus leurs chapeaux rouges à pois blancs.
    Ils avaient bien entendu les feuillus bouger, mais, occupés de pets bruyants qui les amusaient l’un l’autre et rassurés de leur compagnie mutuelle, ils avaient mis le mouvement sur le compte des animaux de la forêt.
    Lorsque les soldats les attrapèrent par le col, les tirant en arrière dans leurs déjections, les muselant d’une main sur la bouche et d’une lame sous la glotte, ils étaient sur le point de s’essuyer avec des feuilles ramassées à portée.
    Ils n’avaient rien vu venir.
    Un homme avait levé leur propre lanterne, l’avait baladée devant leurs visages avant de les menacer à voix basse.
    — Il parle, t’es mort. Tu cries, il est mort. Compris, vous deux ?
    Ils avaient marmonné en même temps contre les paumes puantes, sous le coup encore de la surprise et de l’effroi.
    Il ne savait pas d’où ces soldats avaient jailli, mais Petit Pierre avait, sans hésiter, reconnu la livrée des hommes du prévôt. Comme pour lui donner raison, le même individu avait glissé à un autre :
    — Retourne au campement. Préviens qu’on les a trouvés.
    Sans l’envie pressante de Mayeul, il était fort probable qu’ils seraient passés inaperçus. Au moins jusqu’au matin. Là, avec de la chance…
    La suite, Petit Pierre ne pouvait se l’arracher des yeux et du cœur.
    Contraint et forcé, il avait repris le chemin de l’aller.
    — Trompe-toi de signal d’approche, et on vous saigne. Tous les deux, lui avait glissé le meneur en le poussant devant lui d’une main,

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