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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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aucun doute. Il ne pouvait rien pour les siens que les sbires de Luirieux retenaient prisonniers. Aurait-il émis quelque râle pour les rassurer qu’on l’aurait achevé sans scrupule. Or donc, il s’était cantonné au rôle du mort puisque, par définition, les morts n’intéressent personne.
    Non qu’il fut couard, mais, dans sa situation, il aurait été bien en peine de venir en aide à qui que ce soit. Mieux valait tergiverser. Rester vivant.
    Il attendit que les soldats se soient suffisamment éloignés avec leurs chevaux pour héler Mayeul d’une voix affaiblie, conscient toutefois que ses blessures étaient graves et que le petit bossu était inapte à le soigner.
    *
    Lorsque Celma déboula la première dans la clairière, Mayeul, le visage ruisselant de larmes devant la douleur qu’il provoquait, s’escrimait à arracher la deuxième flèche. Elle se précipita pour l’en empêcher.
    — Non point Mayeul !
    Le bossu sursauta, tourna la tête avec inquiétude. Le temps qu’il se demande comment cette inconnue pouvait savoir son nom, elle le repoussait délicatement de la main, et les autres le cernaient.
    Sitôt qu’ils eurent acquis la certitude que La Malice n’avait pas encore succombé, Bertille se chargea des présentations et d’éloigner le petit bossu, bouleversé. Celma avait besoin de calme pour agir. Et de feu pour cautériser les plaies.
    Il ne fallut pas longtemps pour que tout s’organise autour du blessé. Tandis que Mayeul tenait compagnie à Jean, Briseur ramassait des allumettes et Bertille déballait de la besace de sa mère la médecine que cette dernière y avait entassée au moment de quitter le castel de Luirieux.
    — C’est bon de te revoir, voulut chuchoter La Malice, comme Celma promenait la lanterne au-dessus de la plaie qu’en arrachant la première flèche Mayeul avait révélée.
    Une quinte de toux le prit. Profonde et grasse. Elle amena un filet de sang à la commissure de ses lèvres.
    — Garde tes forces, tu vas en avoir besoin, lui conseilla Celma en lui caressant la joue avec tendresse.
    — J’ai du mal à respirer, continua pourtant La Malice, en rejetant avec précaution sa nuque en arrière.
    Trouver l’appui du tronc derrière lui. Se reposer.
    — Je vais te libérer de ces flèches, mais pas comme le petit le voulait. La pointe a déchiqueté la plaie.
    — Fais…, consentit La Malice en toute confiance, les paupières refermées, le visage en sueur.
    Celma grimaça. Certes ils avaient fait vite, certes ils avaient devancé la camarde, mais l’état du petit homme était alarmant. Elle n’était pas certaine de le pouvoir sauver. Elle lui pressa l’épaule.
    — Tu ne dois pas t’endormir. Surtout pas.
    Il hocha faiblement la tête.
    — Faut te décoller de l’arbre. Quelques pouces seulement pour que je puisse trancher le trait à hauteur de la pointe. Briseur va nous aider.
    Sans attendre le moindre assentiment, elle héla le colosse entre les mains duquel la flamme prenait. Briseur souffla sur le semblant de braise provoqué par les brindilles, invita Mayeul à lui succéder puis la rejoignit, au fait de sa tâche à venir. Ce n’était pas la première fois qu’un membre de leur bande se faisait embrocher.
    Il s’accroupit devant La Malice et, tandis que Celma s’occupait de faire avancer le bras autour de la hampe de la flèche, noua les siens au torse que la chemise empuantie de sang collait.
    — Prêt, mon frère ?
    — Prêt, assura La Malice.
    Briseur fit venir le buste à lui avec une infinie délicatesse, puis le maintint droit tandis que Celma récupérait sa serpe des mains de Bertille. Finement affûtée pour ébrancher le gui ou autres rameaux utiles à ses médecines, la petite faux avait déjà servi par le passé à ce genre d’intervention. Attrapant le bois de la flèche d’une main ferme, Celma trancha juste, sans même provoquer de secousses. Les deux pointes demeurèrent figées dans le tronc. Ne restait plus qu’à libérer La Malice. Un signe à Briseur. C’était à cet instant que la vie du petit homme se jouait.
    Si une artère avait été perforée, il se viderait de son sang en quelques secondes et rien ne le sauverait. Un silence recueilli enveloppa la clairière, comme un souffle suspendu à leur angoisse.
    — Si j’reviens pas, jure-moi de faire payer Luirieux, grommela La Malice.
    Briseur envoya un crachat mourir dans le sous-bois, par le côté, puis tira d’un coup sec sur la

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