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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d’entrer.
    On n’adopte pas un enfant sans raison. Et Algonde soudain n’en voyait qu’une, effroyable, inconcevable. Qu’il soit devenu orphelin de père.
    Baignée de sueurs froides, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds.
    Balayant sa propre émotion à l’idée des retrouvailles avec sa mère, Constantin se leva d’un bond en la voyant vaciller. Lui aussi avait saisi l’échange et compris ce qu’il sous-entendait. Il cueillit Algonde d’une main sous les omoplates et la ramena vers le lit.
    Algonde s’y laissa choir. Sa voix s’érailla.
    — On l’aurait su, n’est-ce pas ? La nouvelle aurait battu la contrée si Luirieux l’avait pendu.
    Constantin s’agenouilla pour lui presser les mains. Elles étaient moites.
    — Que te souffle ton cœur ?
    Algonde ferma les yeux, se réappropria cette vision qu’elle avait eue des années plus tôt, avant même que l’épervier ne défigure Mathieu. Ce n’était qu’une parmi d’autres. Mais, au plus fort de ses moments d’angoisse et de doute, elle s’en était toujours nourrie comme d’une vérité.
    Elle s’était vue fendant une brume épaisse, debout à l’avant d’une barque, les paumes tournées vers le ciel. Et soudain l’horizon s’ouvrir sur Mathieu, l’œil clos par sa cicatrice, les cheveux blanchis. Il lui tendait sa main valide et lui souriait, illuminé par l’amour qu’il lui portait.
    Elle balaya le souffle chaud de l’été que la volée grande ouverte laissait entrer, comme si cet afflux l’oppressait.
    — Ce que j’ai toujours espéré, répondit-elle.
    — Alors ne te laisse pas atteindre.
    Un bruit de cavalcade leur parvint, redressant Constantin sur ses pieds, le cœur battant à l’idée de retrouver enfin sa mère.
    La seconde d’après, choqué comme sous l’effet d’un coup de bélier, l’huis s’ouvrait en grand sur Petit Pierre. Son œil empli d’une détresse poignante tomba droit sur Algonde.
    — C’est pas ma faute ! s’époumona-t-il en s’élançant vers elle.
    Algonde le reçut contre ses genoux, en sanglots longs et saccadés. Elle les sentit remonter de lui à elle, comme une mer déchaînée sur le point de la submerger, incapable de quémander la moindre explication, tant elle la craignait.
    Aussi gourd qu’étourdi par la rapidité de la scène, Constantin les fixait tel un bloc soudain indivisible face à la tempête. L’enfant, vautré à terre, les épaules soulevées en déferlantes, la tête prise dans le repli du coude à même les genoux d’Algonde, l’autre main crochetée dans les replis de tissu du jupon teinté de guède. Elle, hagarde, éberluée, la main tremblante dans les boucles brunes, qui fixait la porte toujours béante.
    Constantin finit par se retourner. Il ne l’avait pas entendue arriver, toute de discrétion et d’épuisement. Les joues rouges, le souffle court de la montée d’escalier, Hélène ne savait si elle devait trembler de bonheur à la vue de ce fils si longtemps espéré, ou de chagrin pour Algonde.
    Constantin trancha à sa place. De sa démarche féline, il s’alla planter devant elle, l’œil brûlant d’une affection qu’Algonde avait pris soin, tout au long de ses premières années d’existence, d’encourager.
    — Venez vous asseoir, mère. L’effort vous a épuisée.
    Libérant à grand-peine le passage, Hélène révéla derrière elle le visage grave de Gersende et Janisse. Ce fut ce dernier qui referma la porte, avec une délicatesse si inhabituelle qu’Algonde en fut plus encore ébranlée. Constantin arracha une chaise d’un angle et la déposa devant Hélène. Elle en refusa pourtant l’assise, bouleversée elle aussi par trop d’émotion. Ne s’accorda que l’appui du dossier pour soulager son dos et ses jambes malmenées par le poids et la grimpée.
    — C’est pas ma faute, hoqueta de nouveau Petit Pierre sans se décoller d’un pouce.
    — Non, ce n’est pas de ta faute, s’arracha Hélène comme une épine plantée dans sa mémoire.
    Quinze jours qu’elle la regardait pourrir en elle.
    Elle fixa Algonde. Savait qu’elle avait déjà compris. N’avait-elle pas ressenti la même déchirure lorsque Djem s’en était allé ? Le formuler. Il fallait le formuler.
    Elle prit une inspiration, chercha la main poilue de son fils à quelques pouces de la sienne, la serra pour s’en réconforter.
    — Je suis désolée, Algonde. Profondément désolée. Je n’ai rien pu empêcher.
    *
    Des

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