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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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constata-t-elle.
    Il releva la tête pour lui sourire.
    — Je doute de pouvoir un jour montrer ce bestiaire à l’abbé Vincent. Tout indulgent qu’il soit, il le jugerait bien plus diabolique que divin.
    Constantin releva la silhouette ébauchée à hauteur de regard. Une sorte de dragon crêté jusqu’à la queue qui se terminait en tête de flèche. Il l’avait représenté assis sur deux pattes arrière griffues. Les deux autres, prises sur le poitrail, ainsi que la tête n’étaient encore qu’un rectangle grossier.
    — Inquiétant, commenta Algonde.
    — Bien moins que celle d’hier, tu verras. Tout est dans l’œil. Celui-ci l’avait bienveillant lorsqu’il l’a posé sur moi.
    Algonde hocha la tête. Depuis quelques semaines, les nuits de Constantin s’agitaient de rêves étranges. Elle n’avait compris leur importance qu’à l’instant où il lui avait décrit une cité blanche traversée de rivières qui toutes provenaient de la base d’une tour de cristal. Telles les pattes d’une araignée, elles encerclaient la ville, se déroulaient dans la campagne environnante avant de disparaître, comme avalées par le néant. Algonde avait, sans l’ombre d’un doute, reconnu en ces rivières les portes qui, depuis les Hautes Terres, avaient autrefois conduit les Anciens sur le monde des hommes. Sur d’autres mondes. Elles étaient inopérantes ce jourd’hui et la cité que Présine lui avait donné à voir par le biais de sa magie, dix années plus tôt, était morte. Le mal y régnait. Sous quelle forme ? Présine elle-même l’ignorait. Tout ce que la fée en savait, c’était que Merlin, le dernier survivant des Sages des Hautes Terres, y était resté prisonnier lorsque le passage d’Avalon s’était à son tour refermé. Aucun des rêves de Constantin n’avait évoqué la trace du mage. Et les seuls êtres vivants qu’il avait croisés en parcourant landes, marécages, forêts, océans ou montagnes étaient ces créatures aussi fantasques qu’inconcevables au regard d’un humain. Quelques-unes lui avaient manifesté de l’empathie, d’autres de l’amitié, mais la plupart s’étaient révélées hostiles, dangereuses et il n’avait échappé à leurs griffes qu’en s’éveillant, un pied sur cette terre inconnue, l’autre sur celle des hommes. Lors, il avait décidé de les sculpter. Bonnes ou mauvaises. Pour que chacun et chacune dans leur communauté constituée sache les reconnaître au moment où, enfin, ils passeraient de chair et de sang de l’autre côté. Au moment où la prophétie qui avait fait le malheur d’Algonde et d’Hélène deviendrait réalité.
    *
    Par-delà la porte, de bois commun celle-là, qui les isolait tous deux du reste du castel, un bruit de pas les alerta. Ce n’était pas encore l’heure de la visite du père Vincent. Constantin fit disparaître la sculpture sous le lit et les copeaux sous le tapis. Algonde s’était déjà redressée. On toqua. Deux coups longs puis un bref.
    — C’est maman, se rassura-t-elle.
    Elle se précipita pour faire jouer la clef dans la serrure. Loin de s’emprisonner dans les vieilles pierres du castel, Algonde et Constantin s’y retranchaient aux heures les plus chaudes de la journée. Le reste du temps, sans mot dire, Constantin offrait ses bras pour les corvées, espérant par ce biais faire accepter sa différence qu’il mâtinait d’imbécillité. Algonde, sous son allure garçonne, s’affairait de même au service de Janisse qui clamait haut et fort qu’il avait rarement connu meilleur aide. Désormais leur présence à tous deux n’attirait pas plus de regards que de questions. C’était le but qu’ils s’étaient fixé.
    Gersende courba les épaules pour franchir le seuil voûté.
    — L’avant-garde d’Hélène vient d’arriver. Notre dame est à moins d’une heure de voiture, annonça-t-elle gaiement.
    Algonde tiqua. Elle n’avait vu personne s’en venir sur la grand-route, et moins encore franchir les barbacanes. Elle s’en étonna auprès de sa mère.
    Gersende eut un petit gloussement gêné.
    — À dire vrai, il y a un bon quart d’heure qu’elle s’est annoncée. J’étais aux latrines et tu connais Janisse quand il se charge d’accueillir un visiteur. Si je n’étais repassée par la cuisine…
    Elle frictionna l’une dans l’autre ses petites mains boudinées, l’œil pétillant de gaieté.
    — Enfin… c’est ainsi. Je suis la première à me damner

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