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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sauta à terre devant l’entrée du temple, à l’instant même où, derrière les montagnes, le soleil disparaissait.
     
    Leur campement fut vite établi. La connaissance que possédait Mounia de son pays leur fut précieuse. C’était elle qui avait fait provision de couvertures, d’épices, de fruits secs et de lanterneaux lors de leur dernière étape sur le Nil, doublant leurs propres bagages. Au bout de quelques minutes, un feu étouffé lança vers la Voie lactée une nappe épaisse de fumée. À la lumière des torches qu’elle avait piquées dans le sable, Mounia ouvrit le ballotin d’épices. Safran, coriandre, curcuma, paprika, poivres rouge, blanc et noir moulus grossièrement explosèrent leur fragrance raffinée aux narines. Mounia en étala une couche épaisse sur une des pierres qui avaient chuté du sanctuaire romain accolé à un des murs du temple. Khalil lui tendit un cuissot de gazelle, s’attarda, gourmand, à la regarder le rouler dans le mélange avant de l’entourer de feuilles de dattier.
    — Il n’y a plus qu’à laisser cuire. Une demi-heure suffira, ajouta-t-elle à l’intention d’Elora qu’elle devinait empressée devant la porte du temple.
    Mounia écarta les tiges qui se consumaient, y déposa la viande, puis la recouvrit.
    — Je vous laisse la garde du dîner, dit-elle en se redressant.
    Khalil et Nycola acquiescèrent. Mounia enleva le lanterneau d’une main leste, récupéra la bougie qu’il contenait et l’enflamma à une des torches.
    — Soyez attentifs aux dromadaires. S’ils s’agitent sans raison apparente, armez vos arcs et rapprochez-vous des flambeaux.
    — Pourquoi ? s’étonna Khalil.
    — Ces montagnes regorgent de félins et ils sont aussi affamés que toi, mon fils, s’amusa Mounia dans un éclat de rire.
    Les laissant à leur crainte, elle longea des colonnes hathoriques et gagna le petit temple, dans lequel, immobile et baignée d’obscurité, Elora venait de pénétrer.
    *
    La lanterne dispensait une lumière plus faible que les torches, mais Mounia avait insisté sur la raréfaction de l’air dans certaines pièces et par là sur le risque d’asphyxie. Elora avait pu en juger dans le tombeau d’Osiris. Au bout d’une dizaine de minutes seulement, leur groupe avait suffoqué.
    Dans ce vestibule, ouvert par côté sur la cour intérieure, le risque n’existait pas, mais Mounia savait qu’Elora ne se contenterait pas d’y rester.
    — Voici Hathor, dit-elle en illuminant la déesse représentée de profil et tenant un ankh dans la main.
    Elora caressa le sommet du crâne de l’effigie, le front plissé sous un souvenir fuyant.
    — Ce disque…
    — Le soleil, dit-on. J’ai vu le même sur des petites sculptures de personnages en Sardaigne.
    Elora hocha la tête, rattrapée par une certitude.
    — C’est le signe des gardiens.
    — Des gardiens de quoi ? frémit Mounia.
    Elora ne répondit pas. En elle, une marée lente la berçait, la troublant un instant de son flux de connaissances pour l’emporter la seconde suivante.
    — Veux-tu voir les fresques dont je t’ai parlé ? demanda Mounia, consciente qu’il ne fallait rien brusquer.
    — Elles sont dans une des pièces du fond, n’est-ce pas ?
    Pour toute réponse, Mounia lui tendit son falot.
    Pendant quelques courtes minutes, occupées à traverser ce vestibule puis le suivant, elles gardèrent le silence. Il était habité de la voix de Khalil, venue de l’extérieur, qui réclamait à son père adoptif un peu de musique. Il devint plus dense lorsqu’elles parvinrent devant l’entrée des salles. Elora délaissa celle de droite, à la grande surprise de Mounia. De mémoire c’était celle-ci qui contenait le relief de la petite lampe.
    Celle de gauche, identique à sa voisine, était basse de plafond, longue et étroite. L’air y était rare, l’obscurité totale. Mounia demeura sur le seuil, laissant Elora balayer les fresques au mur d’un mouvement latéral du falot.
    Elle exultait, un sentiment jubilatoire qu’elle n’avait plus ressenti depuis longtemps. Mounia se revoyait enfant agir de même en singeant son père. S’être recueillie sur sa tombe l’avait aidée enfin à en faire le deuil. Ne restaient que les souvenirs puissants et heureux d’une quête dans laquelle Aziz ben Salek l’avait entraînée. D’une quête retrouvée.
    Elora venait de s’arrêter.
    — Un cœur et une plume sur chacun des plateaux de la balance, expliqua

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