Terra incognita

restait plus que Rê, Seth et lui de la race originelle, les autres s’étant peu à peu éteints, faute de pouvoir se régénérer.
    — Il y parvint trop tard visiblement…, nota Mounia.
    Elora hocha la tête.
    — Mes souvenirs sont ceux de Merlin. Je le vois quitter cette place avec la copie de cristal, atteindre l’île d’Avalon et y retrouver Présine pressée d’enfantement à cause d’une vieille prophétie.
    — Laquelle ? demanda Mounia.
    — « Le pouvoir des trois du mal triomphera, et l’enfant velu né d’Hélène et d’un prince d’Anatolie les Hautes Terres conquerra », récita Elora avant d’ajouter dans une moue ennuyée : Prophétie qui nous ramène aux trois filles de Présine, qui n’eurent de cesse de récupérer ledit enfant. Bien évidemment, elles se fourvoyèrent. Le pouvoir des trois énoncé dans la prophétie n’était pas le leur, mais celui des Anciens, distillé en Khalil, Constantin et moi. Ce que Présine et Merlin savaient en s’accouplant en Avalon pour engendrer ma lignée.
    Il y eut un moment de flottement que Bouba se chargea d’animer de petits cris désolés comme chaque fois qu’il cessait d’être le centre d’intérêt, puis Mounia se frotta le menton.
    — Une chose m’intrigue dans tout cela. Le passage par lequel Apophis fut exilé.
    — Oui ?
    — Il fut refermé et seule la table de cristal primitive en conserva la trace.
    — Exact, répondit Elora.
    — Apophis la retrouve, soit. Mais comment parvient-il à la lire sans les flacons pyramides ?
    Elora vacilla sous cette évidence.
    — Probablement par la complicité de quelqu’un qui les posséda tous les trois. Seth peut-être, s’il imagina perdue la possibilité d’une copie de la table. Sans élixir, il était condamné lui aussi. Alors, perdu pour perdu, pourquoi pas Apophis comme maître ? Cela expliquerait que Merlin soit demeuré prisonnier là-bas. Ou tué puisque la porte d’Avalon, la dernière encore ouverte, s’est refermée après qu’il eut quitté Présine. Quoi qu’il en soit, la seule chose dont je sois certaine, c’est que Merlin voulait que je vienne là.
    S’arrachant à la dureté du sol, Elora ramassa le lanterneau à ses côtés et se leva.
    Tandis qu’ils se redressaient tous, en silence, plombés encore par ces révélations, elle s’approcha de l’arche qu’elle avait repérée tout à l’heure avant d’être alertée d’un danger. Sans hésiter, elle enfonça le petit cercle rouge qui surmontait la tête de faucon, symbole de Sokaris, tout au-dessus du dôme.
    Dans un crissement désagréable, le pan de mur tout entier se désolidarisa du fond pour révéler un étroit passage.
    Lorsqu’il s’immobilisa dans un nuage de poussière et une fois le silence retombé, tous quatre découvrirent une volée de marches qui s’enfonçaient dans la dalle de sol, balayées par le glissement de la pierre.
    Droit en direction de la montagne en forme de pyramide naturelle de la chaîne thébaine.

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    Durant de longues minutes, seul le silence de leurs réflexions personnelles répondit au martèlement de leurs souliers sur la pierre. Ayant abandonné à Nycola et Bouba la garde des dromadaires, ils progressaient courbés, économisant leur souffle, conscients des nécropoles qui voisinaient les parois.
    Peu à peu une froidure étrange les pénétra, au point bientôt d’affecter Khalil et Mounia qui se mirent à claquer des dents derrière Elora.
    Elle s’amplifia lorsqu’ils se retrouvèrent face à un bloc rocheux.
    Elora éclaira les aspérités ocrées, à la recherche d’un minuscule orifice. Lorsqu’elle l’eut repéré, elle se retourna pour tendre le falot à Khalil, occupé à se frictionner les épaules et à sauter d’un pied sur l’autre pour se réchauffer.
    — Je suis frigorifié. Pas toi ?
    — Non, mais je perçois autour de nous ces vagues anormales. Restez près de moi surtout, recommanda Elora en détachant de son cou le collier qu’elle portait.
    La tige de l’ankh s’enfila dans l’orifice, jusqu’à buter contre sa croix gansée. Un tour à dextre, et elle put retirer la clef sans forcer. Pendant quelques secondes il ne se passa rien, puis un grondement sourd envahit l’étroit passage. Ce qu’ils avaient pris pour la roche elle-même se révéla être une gigantesque roue guidée par un profond sillon. Tournant lentement sur elle-même, elle dégagea le passage d’un individu, pas