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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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souffrance, ressentie jusque-là dans ses nuits tourmentées, disparaissait.
    Un instant il se demanda si ce n’était pas la magie de Merlin qui les sauvait tous. Cette pensée l’arracha à sa torpeur. Il prit conscience que le Géant n’était pas à leurs côtés.
    Elora chercha sa main pour la nouer à la sienne.
    — Tu t’étais assoupie… Pardon, s’excusa le jeune Bohémien.
    Elora joua de sa tempe contre la rondeur de son épaule. Le cœur du jouvenceau s’accéléra dans sa poitrine.
    — Tu ne l’as pas ramené, n’est-ce pas ?
    — Quelques heures seulement. Assez pour lui, semble-t-il. Pas assez pour moi.
    — Et l’élixir ? On pourrait essayer…
    Elora soupira, navrée.
    — Il en reste trop peu dans celui de Mounia et l’autre est vicié. Non, Khalil, c’est terminé.
    Il se sentit triste. Pour elle. Pour le Géant.
    — Est-ce que ça ira ?
    Elle redressa légèrement la tête et plaqua un baiser tendre sur sa joue.
    — Oui, tu ne dois pas t’inquiéter.
    Il eut envie de revendiquer ce droit-là. Par amour pour elle. Il s’abstint.
    — J’étais persuadé que tu le sauverais. Qu’est-il arrivé ?
    — Rien qu’il n’ait prévu, en vérité. Mon énergie a été concentrée par le djed qui, lui-même, a rechargé celle contenue dans le benben. Merlin avait relié son crâne et son cœur à ce dernier à l’aide de fils de cuivre. Il s’est réveillé. J’ai cru que cela suffirait, mais il était trop affaibli lorsqu’il s’est enfermé ici. Il aurait fallu une charge cent fois plus importante pour qu’il puisse se lever et nous suivre. Pour qu’il puisse renaître. Il le savait.
    — Mais alors pourquoi tout ça si c’était inutile ?
    Elora se pelotonna contre lui.
    — Ça ne l’était pas, Khalil. Il avait des révélations à me faire.
    — Sur l’utilisation et les pouvoirs du benben ?
    — Il ne nous serait d’aucune utilité. Je l’ai laissé.
    Il ne s’en étonna pas outre mesure, imaginant mal Elora dépouiller la sépulture du géant.
    — Sur le moyen d’éliminer Marthe et Apophis, alors ?…
    Elle glissa sa main dans son gilet, affolant plus encore les battements qu’elle y captait.
    — Entre autres. Ne veux-tu pas oublier tout cela et nous accorder un peu de temps ?
    Khalil avala sa salive, soulagé soudain de cette obscurité qui les enveloppait et masquait à la jouvencelle les effets que sa caresse venait de provoquer.
    Depuis leur baiser échangé à Istanbul, il s’était rendu à sa mère, laissant l’enfant se réapproprier le passé, niant avec ce corps d’adulte son attachement pour Elora. Mais il ne s’était pas passé un jour où il n’ait ressenti le besoin de l’exprimer.
    — Le temps pour quoi ? demanda-t-il d’une voix altérée.
    — Pour nous aimer, chuchota Elora sur ses lèvres avant de les clore d’un baiser.
    *
    Lorsque Nycola redescendit, il trouva Mounia un falot à la main, prête à enjamber la pierre qui bloquait le passage vers le souterrain.
    — Où comptais-tu aller ? s’étonna-t-il.
    Elle tourna vers lui un visage inquiet.
    — Le plus loin possible. Ils auraient dû revenir depuis longtemps, tu ne crois pas ?
    Laissant Bouba se jeter sur les besaces à la recherche de quelque nourriture, il se rapprocha d’elle.
    — Tu l’as dit toi-même, ils sont adultes… amoureux… et d’origine divine. Trois bonnes raisons pour ne pas les déranger.
    Mounia s’empourpra.
    — Tu penses que…
    Il lui enleva le falot des mains.
    — Je suis sûr.
    Elle revint au centre de la pièce, embarrassée de ses mains, de ses pieds, de sa tête.
    — Il faut que je m’occupe, alors, sinon, je vais mourir d’angoisse.
    — Commençons par sortir les dromadaires. C’est devenu irrespirable, ici. Je me demande comment tu peux encore supporter ça, ajouta-t-il en tordant le nez.
    — Les parfums de l’enfance, sans doute. Il y a quelque chose de rassurant derrière eux. Mais tu as raison, c’est abject…
    Ils éclatèrent d’un rire salutaire avant de libérer le passage des pierres qui le barraient.
     
    Un quart d’heure plus tard, ils étaient réinstallés dans la cour, et Mounia arrachait la flèche du sol pour la piquer dans son carquois.
    — Elora avait raison. C’était bien Anubis. Tu ne sais pas pourquoi il voulait ta mort ?
    — Toujours pas, mentit Nycola avant de rouler la dernière couverture et de l’attacher à sa selle.
    — Très bien, soupira Mounia.

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