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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pensées s’envolèrent vers le Géant qu’elle laissait tel qu’elle l’avait trouvé.
    « Je reviendrai, Merlin. Dès que les Hautes Terres seront libérées, je reviendrai te chercher », promit-elle.
    Car il existait un moyen. Un moyen de remonter les âges pour lui faire boire, à temps, l’élixir qui le ranimerait.
    Dans la grande pyramide de Gizeh.

45
     
    Algonde s’occupait.
    Comme elle l’avait toujours fait dans ces moments terribles de son existence où le simple fait de s’éveiller avait perdu tout sens. Elle se dépensait dans les tâches les plus ingrates pour oublier la vérité.
    Mathieu était mort.
    Cela faisait trois semaines qu’elle traînait ce fardeau sans oser s’en plaindre. Auprès de qui l’aurait-elle pu ? Petit Pierre ? Malgré sa complicité avec Constantin, il demeurait taciturne. Hélène ? Algonde n’était pas assez cruelle pour raviver sa propre détresse. Enguerrand ? Il se remettait lentement de ses blessures grâce aux bons soins de Présine. Ajouter plus de haine encore en son cœur à l’égard de Luirieux n’aurait servi à rien. Gersende ? Janisse ? Ils s’activaient avec autant de rage qu’elle.
    Non, décidément, Algonde ne voyait personne avec qui partager son tourment.
    Alors elle composait avec le quotidien.
    Un quotidien qui, dès le lendemain de l’arrivée d’Hélène, s’était alourdi d’une nouvelle crainte. Le voyage et l’émotion n’avaient rien valu à la grossesse de la baronne. Le bas-ventre barré d’une douleur violente, Hélène avait été consignée au lit et y devrait demeurer jusqu’à l’enfantement. La dame avait réinvesti son ancienne chambre, tout en haut du donjon, afin que personne ne s’interroge sur les visites d’Algonde toujours grimée en dresseur, et moins encore sur celles de son fils.
    Inféodés à ces rôles qui leur avaient permis de renaître, Algonde et Constantin avaient déménagé dans la sacristie, bien vite rejoints par Petit Pierre à qui la solitude était insupportable.
    En ce 18 juin donc, rien n’altérait le rituel qui s’était installé au castel de Sassenage. Constantin et Petit Pierre, levés aux aurores, venaient d’apporter à Janisse deux beaux garennes qu’il espérait pour le déjeuner. Tout en les félicitant de leur prise, le cuisinier tournait sa crème au-dessus du feu. Gersende s’était enfermée dans ses appartements pour faire ses comptes et Algonde achevait la toilette d’Hélène dans le plus grand secret.
    Ce jourd’hui, pourtant, comme la veille, tandis qu’elle démêlait avec soin la longue chevelure de son amie, la jouvencelle souffrait d’un mal insidieux et incurable. L’espoir. Un espoir qui l’avait ébranlée dans ses rêves. La sensation, puis la certitude que Mathieu avait survécu. Tout pourtant affirmait le contraire, jusqu’au simple fait qu’il n’avait pas reparu. Mais la fissure s’était rouverte. Chimères. Ou folie. Elle ne savait trop ce qui la guidait, mais le fait était là : elle ne voulait pas accepter que ce soit fini. Elle ne le pouvait pas. C’était plus fort qu’elle, plus fort que le récit de Petit Pierre, la certitude d’Hélène ou la simple évidence.
    À cause de cette vision que ses pouvoirs lui avaient offerte par le passé.
    Elle tira sur le peigne en réprimant un soupir. L’illusion était pire que la réalité. Elle lui abîmait la raison, écorchait chaque fibre de son être et l’empêchait de faire son deuil.
    — Mal dormi, n’est-ce pas ? devina Hélène à la brusquerie inhabituelle de son geste.
    Se refusant d’en parler, Algonde posa l’instrument et entreprit de natter les cheveux crantés par l’habitude de la tresse.
    Hélène lui immobilisa les doigts.
    — Tu n’as pas à faire semblant avec moi, Algonde… Je sais. Je sais ce que tu ressens, je sais ce qui te pousse et tout à la fois te retient. Je sais chacune des larmes que tu te refuses de verser.
    Algonde sentit sa gorge se nouer. Hélène la libéra, s’attarda quelques secondes aux pleins et déliés qui peu à peu donnaient forme à sa coiffure.
    — T’es-tu jamais demandé si je n’avais pas, moi, besoin de te parler de Djem ? de partager ta détresse pour me guérir de la mienne ?
    Algonde trembla en nouant les lacets. Non. Elle n’y avait pas pensé. Elle bredouilla.
    — Je… J’ai…
    Elle chercha des mots qu’elle ne trouva pas. En désespoir de cause, elle s’arracha du mitan du lit sur lequel elle

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