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Terribles tsarines

Terribles tsarines

Titel: Terribles tsarines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Troyat
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problème qui surgira après sa disparition. Si elle meurt demain, inopinément, à qui ira la couronne ? D'après la tradition, son successeur ne peut être que son neveu, Pierre. Mais elle se cabre à l'idée que la Russie échoue entre les mains de ce demi-fou, maniaque et méchant, qui se pavane du matin au soir en uniforme holsteinois. Il faudrait, pour bien faire, qu'elle le déclarât, dès à présent, incapable d'occuper le trône et qu'elle désignât le fils du grand-duc, le petit Paul Petrovitch, âgé de deux ans, pour unique héritier. Or, ce serait offrir du même coup le rôle de régente à Catherine, qu'Élisabeth déteste autant pour sa beauté que pour sa jeunesse, son intelligence et ses nombreuses intrigues. En outre, la grande-duchesse s'est dernièrement acoquinée avec Alexis Bestoujev. A eux deux, ils auront tôt fait de brouiller les cartes qu'ellea savamment disposées. Cette perspective agace la tsarine, puis soudain elle s'en désintéresse. A quoi bon se préoccuper des péripéties de l'avenir puisque, vraisemblablement, elle ne sera plus là pour en souffrir ? Incapable de choisir quoi que ce soit dans l'immédiat, elle prend le parti de l'expectative et remet à plus tard le soin fastidieux de décider si elle destitue son neveu pour léguer le pouvoir à son petit-fils et à sa bru ou si elle laisse Pierre accéder légalement à la dignité impériale, au risque de consterner la Russie. Sans se l'avouer, elle espère que la solution lui sera dictée par les événements.
     
    Justement, par bonheur, le feld-maréchal Apraxine, qu'elle a, à dix reprises, supplié vainement d'agir, s'est enfin résolu à déclencher une vaste offensive contre les Prussiens. En juillet 1757, les troupes russes prennent Memel et Tilsitt ; en août de la même année, elles écrasent l'ennemi à Gross Jaegersdorff. Élisabeth en éprouve un regain de vitalité et fait célébrer les victoires par un Te Deum, tandis que Catherine, pour lui complaire, organise des fêtes dans les jardins d'Oranienbaum. Au milieu du pays en liesse, seul le grand-duc Pierre promène un visage désolé. Oubliant qu'il est l'héritier du trône de Russie et que cette série de succès russes devrait lui réjouir le cœur, il ne digère pas la défaite de son idole, Frédéric II. Le diable a dû entendre ses récriminations : au moment où, à Saint-Pétersbourg, la foule surexcitée crie « A Berlin ! A Berlin ! » et exige qu'Apraxine poursuive saconquête jusqu'à l'anéantissement de la Prusse, une nouvelle transforme l'enthousiasme unanime en stupéfaction. Des estafettes, expédiées par le commandement, affirment qu'après un début de campagne étincelant le feld-maréchal est en train de battre en retraite et que ses régiments abandonnent le terrain occupé en laissant sur place des équipements, des munitions et des armes. Cette dérobade semble tellement inexplicable qu'Élisabeth subodore un complot. Le marquis de L'Hôpital, qui, à la demande de Louis XV, assiste la tsarine de ses avis dans ces moments difficiles, n'est pas loin de penser qu'Alexis Bestoujev et la grande-duchesse Catherine, tous deux soudoyés par l'Angleterre et favorables à la Prusse, ne sont pas étrangers à la surprenante défection du feld-maréchal. L'ambassadeur le dit autour de lui et ses propos sont aussitôt rapportés à la tsarine. Dans un sursaut d'énergie, elle ne songe d'abord qu'à châtier les coupables. Pour commencer, elle révoque Apraxine, l'assigne à résidence dans ses terres et nomme à la tête de l'armée son lieutenant en second, le comte Fermor. Cependant, son principal ressentiment, elle en réserve la manifestation à Catherine. Elle voudrait sévir, une fois pour toutes, contre cette femme dont elle admettait jadis les infidélités conjugales mais dont elle ne peut tolérer les manigances politiques. Il faudrait lui clouer le bec, à elle et à toute la clique des Prussiens de comédie qui grenouillent autour du couple grand-ducal, à Oranienbaum.
    Hélas ! le moment est mal choisi pour un coupde balai. En effet, voici que Catherine est derechef enceinte. Redevenue « sacrée » aux yeux de la nation, elle bénéficie d'une impunité provisoire. Quels que soient ses torts, il vaut mieux la laisser en paix jusqu'à l'accouchement. Une fois de plus, qui est le père ? Sûrement pas le grand-duc, lequel, depuis sa petite opération, réserve toutes ses attentions à Élisabeth Vorontzov, la nièce

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