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Testament Phonographe

Titel: Testament Phonographe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léo Ferré
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qu’on y laisse un petit coi n
    Pour un ami que j’ai sur terr e
    Cet ami que je laissera i
    Quand il me faudra détele r
    Pour l’aventure ou la poussièr e
    Ce frère de mes longues nuit s
    Et que l’on appelle l’ennu i
    Au fond du lit des solitaire s
     
    Le li t
    Quand s’endort le mystèr e
    Sans brui t
    Dans la vie passagèr e

BASTA
    Quand j’emprunte des paradoxes, je les rends avec intérêts.
    J’enrichis mes prêteurs qui deviennent alors plus intelligents.
    Le taux usuraire de l’astuce n’est jamais assez élevé.
    Je ne sais pas d’où je viens mais je sais que je suis là, à reverdir, dans cette campagne toscane.
    Les rossignols teints au Gargyl chantaient des aubades pharmaceutiques.
    J’ai les cheveux trop longs… comme des voiles de thonier, mes beaux cheveux qu’on m’a toujours taillés, mes beaux cheveux longs dans ma tête. Dans la rue, on se retourne…
    Moi, je leur tire la langue !
     
    Ô belles pattes des fourrure s
    Chapeau du vent de ces madame s
    Inquiétude de la parur e
    Toiles de soie vers vous je ram e
     
    Je sais des paradis tranquilles où les anges n’ont pas de vin à boire mais des orages de raison.
    Des violettes de reverdie.
    Je sais des paradis tragiques où les fauteuils d’orchestre n’ont pas de mémoir e
    Où les roses ne fleurissent que par osmose, et encore…
    Où les passions sont d’un autre ordre et les mirages d’une autre qualité et de la nuit pourtant venus…
    Je sais des paradis-bordels où l’on me fait sign e
    Où l’on se sign e
    Où l’on me désigne pour la bonté des mains tendues et des bouches capitale s
    Comme au petit matin… Tchac !
    Je sais des paradis naturels où le mauve tient lieu de drogu e
    Où l’on peut passer du mauve à la frontièr e
    Je sais des paradis câlins avec la barbe de deux jours et des saint s
    Sans foi ni lo i
    Sans feu ni ea u
    Avec simplement une ceinture d’émigran t
     
    J’émigrerai quelque jour vers vos pays caché s
    Et ne reviendrai plu s
     
    Regardez-mo i
    Passants de rien, poules de luxe, fleurs incroyable s
    Regardez-mo i
    Je suis un migratoire, un migratoir e
    Je suis un vieux corbeau qui court après une charogne comme un chien de course après le leurr e
    Je suis un vieux corbeau de la plaine où je vais m’englânant des trucs dégueulasses, de vieilles graines d’homme qu’on a trop employée s
    Je suis un vieux corbeau qui court après une corbeaut e
    Je croasse comme on peut croasser quand on est un vieil oiseau de cinquante-sept pige s
     
    Je tiens que le désespoir des ordures est une incompétence biologique à pouvoir en sortir un jour ou l’autre, coûte que coût e
    Quand la merde déborde, c’est encore de la merd e
    À ce moment-là, je connaissais une chanteuse… Vous la reconnaîtriez aussi, c’est facile. Une chanteuse qui a le derrière sur la figure, ça vaut la carte d’identité, non ?
    Et puis, Madame Lechose, taulière blonde, un peu grasse, un peu… Taulière à L’Escalier de Moïse , où il y avait de tout, du Fernand, du Ferré qui chantait au piano, avec son chien et ses grimaces, et son petit cachet…
    — Dis-donc, Léo, ça ne te gêne pas de gagner de l’argent avec tes idées ?
    — Non. Ça ne me gênait pas non plus de n’en pas gagner avec mes idées, toujours les mêmes. Il y a quelques temps.
    Vois-tu, la différence qu’il y a entre moi et Monsieur Ford ou Monsieur Fiat, c’est que Ford ou Fiat envoient des ouvriers dans des usines et qu’ils font de l’argent avec eux.
    Moi, j’envoie mes idées dans la rue et je fais de l’argent ave c elles. Ça te gêne ? Moi, non ! Et voilà !
    Madame Lechose, un peu blonde, un peu… Je la regardais, des fois, en chantant, juste en face de moi, qui n’en perdait pas une, de ses fiches, et le whisky tant, et le gin-fizz tant, et le citron pressé tant… Et mon citron pressé ?
    La Mère Lechose, un peu blonde, un peu grasse, toujours à l’heure, comme les vrais artistes, ceux qui travaillent, et comme ceux qui font travailler les artistes. Je faisais la salle.
    Jamais les clients. Arkel, mon chien, venait me chercher après le Flamenco de Paris. C’est tout ce que j’ai eu de vraiment espagnol à ce moment-là. Ce devait être un chien exilé. Je rentrais chaque nuit dans le désert Paris, dans cette brume des garages où reste un peu, le soir, après que les voitures soient passées, de cette odeur des temps modernes qui vous remonte du fond de votre carter, portant le

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