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Testament Phonographe

Titel: Testament Phonographe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léo Ferré
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deuil des foins brûlés. Je rentrais chaque nuit dans le désert Paris.
    Les putains ne m’accrochaient jamais. Elles savaient que j’étai s un homme public , Elles , les filles publiques…
    — Alors, comme ça, on se prostitue, Ferré !
    Je rentrais chaque nuit dans cette maison douce où gouttait l’eau du robinet, dans cette cuisine un peu salle de bains, avec sa cuvette…
     
    Je vivais à ce moment-là avec une femme. Assez longtemps, avec des problèmes de mouise, d’attentes au bout d’un téléphone qui ne sonnait jamais. Le téléphone, quand il sonne trop souvent, on s’arrange pour faire répondre qu’on est là ou qu’on n’y est pas. Les importuns ne croient jamais ainsi qu’ils vous importunent et vous êtes tranquille. On ne peut pas être plus sociabilisé, pas vrai ? Et puis, les commissions, le dentiste, les droits d’auteur minces, minces… Quand on travaille comme on veut, on touche comme on peut.
    J’allais chercher les sous moi-même, toujours moins de cent mille, balles. Pas de chèque, et vite un restaurant dans un bon quartier. Et puis et puis, les souvenirs s’entassent. Le mariage vous mine petit à petit. On est fidèle parce que c’est l’usage et les années s’entassent aussi. Les souvenirs, d’ailleurs, c’est du présent discutable. On est hier, toujours. Moi, je vivais demain et ça fabriquait les malentendus. Un artiste vit toujours demain, sinon il est fait pour l’usine. À l’usine, le présent, c’est un cadeau quotidien, incessant. On peut te congédier, alors tu prends des dispositions particulières pour ne gueuler qu’en connaissance de cause et dans le silence revenu des retours à la maison. À la table de travail, devant la page blanche, l’artiste n’est pas là. Il vit là-bas, loin de tout, du téléphone, de sa compagne, de ses problèmes.
    La solitude est une affaire d’ordinateur. Moi, je me perfore loin des imbéciles et du propos courant. On me hait.
    Je m’en fous. Je suis un autre mec. Voilà.
     
    Ni dieu, ni maître, ni femme, ni rien, ni moi, ni eux et Basta !
     
    Il y a l’amour… peut-être. C’est une solution, une solution à un problème qui reste un problème. Alors… Rien.
     
    Une solution… Un problème… Par quoi commencer ?
    On donne et on te prend. Celui qui prend a l’impression qu’il donne… Arrange-toi avec ça, si tu peux. Il y a derrière les yeux des gens, une cité privée où n’entre personne. Une cité avec tout le confort d’imagination possible. Les gens que tu vois chez toi, sont d’abord chez eux. Ils ne te voient pas. Ils se singularisent dans l’immédiate et toujours constante défense de soi. Ils ont peur. Ils sont terribles, les gens. Ceux que tu appelles tes amis, ce sont d’abord des gens remplis du moi qui les tient en laisse. L’homme est un « self made dog »…
    Mais il parle au centre du monde, et le monde, c’est lui. Il transpire, il a une queue mais ne sourit pas avec, comme le chien. C’est tout et c’est trop. L’amitié, c’est comme le ciment armé : on ne sait pas comment ça vieillit. J’aime les vieilles pierres. Elles ne transpirent pas.
     
    Ni dieu, ni maître, ni femme, ni amis, ni rien, ni moi, ni eux et Basta !
     
    « L’Écluse »… fin 49… Drôles de mariniers, sur ces quais néon’cifs ! J’étais le pianiste et le chanteur. Cette « écluse » où la galère échoua, un soir, entre Barbarie et une Inconnue de Londres, et deux romances à goémons, une guitare et un gitan, égarés là… Allez donc savoir…
    Et ce taulier, qui me lucarnait derrière son zoom, un zoom qu’il vous plantait là, sur le front, jamais en face, jamais dans votre zoom à vous, toujours un peu au-dessus, comme s’il regardait l’ineffable. C’est pas mal, un particulier qui sue du goulot, qui transpire de l’en dedans. Rien ne sort jamais. Un lavatory, quoi ! Qui garde tout, transmet, qui assume sa condition de réceptacle. L’âme de certains individus m’empêchera toujours de croire tout à fait en Dieu.
    J’ai oublié son nom. Il y a une chance pour les mauvais souvenirs.
    — Eh ! Ferré ! Bonjour, tu te rappelles ? C’est moi… l’ordure…
    — Qui ça ? Ordure ? Tiens, il y en a encore dans le siècle ?
     
    Je vous demande excuse, Monsieur. Je ne connais, quant à moi, que des anges…
     
    Ni dieu, ni maître, ni anges, ni rien et Basta !
     
    Il faudra que je change de support. Écrire sur des champs de luzerne, sur

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