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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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que le prince héritier venait à peine de naître. Si
Théodoric avait le malheur de mourir avant que l’enfant n’ait atteint sa
majorité, Amalasonte deviendrait régente. Cette simple perspective faisait
frémir tout le monde.
    Le royaume des Goths n’était hélas pas le seul à appréhender
le futur ; l’Empire romain d’Orient fut touché lui aussi, à la mort
brutale d’Anastase [146] . L’homme avait toute sa vie
durant redouté les orages ; durant l’un d’eux, il alla se réfugier dans
une petite pièce du Palais de Pourpre. C’est là que le trouvèrent mort ses
serviteurs, le lendemain. Sans doute avait-il succombé de terreur, mais après
tout, il faut bien qu’un vieil homme de quatre-vingts ans meure de quelque
chose.
    Si Anastase n’avait pas laissé le souvenir d’un empereur
remarquable, son successeur à Constantinople fut quant à lui d’une nullité
totale, un moins que rien au sens propre du terme. Nommé Justin, cet ancien
fantassin de l’armée était monté en grade jusqu’à la tête de la garde du palais
impérial d’Anastase. Il ne devait son accession au pouvoir qu’à l’admiration de
ses compagnons officiers qui l’avaient « porté sur leurs boucliers »
jusqu’à cette éminente position. Le courage au combat et l’honneur de
l’acclamation sont de bien belles choses, mais Justin les gâchait par de graves
déficiences ; entre autres, il ne savait ni lire ni écrire. Pour signer un
document de son nom, il y apposait un sceau gravé de son monogramme. Mais ce à
quoi il accordait son seing eût fort bien pu, au lieu de lois, d’édits et de
statuts, n’être que de simples chants grivois de taverne.
    Ce qui chagrinait le plus les sujets de Justin, et tous les
monarques de la Terre tout autant qu’eux, ce n’était pas seulement cette
incapacité à gouverner. Bien des nations ont vécu de glorieuses années sous le
règne d’un incapable notoire. Ce qui les gênait le plus, c’est qu’il avait
introduit au palais son neveu Justinien, un ambitieux jeune homme aux talents
indéniables, bien plus étendus que les siens. Ce jeune noble était
officiellement le questeur et l’ exceptor de l’empereur, rôle que tenait
Cassiodore auprès de Théodoric. Justin plus que tout autre avait besoin d’un
tel assistant. Mais alors que Cassiodore se contentait de claironner les avis
de Théodoric auprès de son peuple, il fut vite évident que non seulement
Justinien composait toutes les notes jouées par son oncle, mais que lesdites
notes ne plaisaient pas forcément à tout le monde. Justinien agissait en fait
en véritable monarque. Il n’avait que trente-cinq ans et son oncle déjà
soixante-six. Aussi, dans l’Empire d’Orient comme chez ses voisins, se
préparait-on non sans appréhension à devoir bientôt traiter avec l’empereur
Justinien. Il se comportait déjà comme tel et le deviendrait un jour ou l’autre
officiellement.
    Il était dommage, murmuraient les gens, que le vieux Justin
se reposât ainsi sur son neveu, cet arriviste ; mais ce qui était
proprement scandaleux, tous en convenaient, c’était que ce Justinien s’en
remette pour sa part à une personne totalement innommable. Il s’agissait d’une
jeune femme qui en temps ordinaire, eût été totalement méprisée dans la rue y
compris par un représentant des classes laborieuses. Elle se nommait Théodora ;
son père avait été montreur d’ours à l’hippodrome, et elle-même avait depuis sa
plus tendre enfance joué la comédie sur les planches. Son origine et sa
carrière auraient suffi à la déconsidérer, mais Théodora avait réussi à
atteindre l’infamie. Tout en voyageant et en jouant, de Constantinople à Chypre
en passant par Alexandrie, elle avait acquis une notoriété toute particulière
en donnant à ses admirateurs masculins autant de plaisir en privé que sur
scène. Et ce commerce intime lui était tellement cher que la rumeur lui prêtait
le regret qu’une femme n’eût « pas assez d’orifices pour pouvoir
accueillir plus de trois amants à la fois ».
    Un jour, au gré de ses pérégrinations, elle avait rencontré
le patricien Justinien, qui s’était entiché d’elle. Parvenue à présent à l’âge
respectable de dix-neuf printemps, elle avait pris sa « retraite » en
tant que péripatéticienne pour devenir « respectable », ce qui
signifie qu’elle était désormais la concubine du seul Justinien. Même ceux qui
professaient pour elle

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