Thorn le prédateur
quartiers
résidentiels occupaient-ils la pente – mais je repérai un formidable mur
enveloppant le plateau supérieur, où se trouvait vraisemblablement la ville
proprement dite. J’eus beau chercher une volute de fumée montant dans le ciel,
je n’en vis pas une seule. Je tendis l’oreille, guettant les sons d’une
bataille, mais ne recueillis que le silence. Ma foi, si les Sarmates, comme on
l’affirmait, tenaient à présent la ville, il était peu probable qu’ils songent
à l’incendier. Mais si, comme la rumeur le prétendait, les Ostrogoths étaient
en train de l’assiéger, ils ne le faisaient pas très énergiquement, ni très
bruyamment.
— Je veux bien accoster ici, dis-je à Oppas. Mais je ne
veux pas avoir à traverser le Danuvius, ni la Savus.
— Vái ! Vous voulez que je vous dépose au
pied même de Singidunum ? Je refuse catégoriquement de m’approcher aussi
près.
— Très bien. Demandez donc à vos hommes de remonter le
cours de la Savus sur une certaine distance. Déposez-moi là où vous le jugerez prudent,
et je descendrai aussitôt.
Les mariniers râlèrent et jurèrent plus violemment que
jamais, obligés pour la première fois de vraiment s’activer, mais ils firent
comme Oppas l’avait ordonné, d’un air renfrogné. Pendant ce temps, je sellai et
bridai Velox, attachant mes effets sur son dos, accrochai mon épée à ma
ceinture et mis mon arc en bandoulière, ainsi qu’un carquois rempli de flèches
neuves. Dès qu’une berge convenable se présenta sur la Savus, deux ou trois
milles en amont de la falaise défendant l’arrière de Singidunum, la barge
glissa vers le bord et Oppas abaissa dans l’eau peu profonde la rampe latérale.
Je la fis parcourir à Velox, marchant à sa suite à reculons pour garder les
hommes en point de mire, et leur déclarai joyeusement :
— Thags izei, mes compagnons de voyage. Il reste
une certaine quantité de provisions pour lesquelles j’ai payé d’avance, mais je
vous laisse de grand cœur ces morceaux de choix, en récompense de votre
générosité sans bornes.
Ils me conspuèrent tous. Oppas remonta la rampe, les hommes
agitèrent leurs perches dans la boue, et la barge reprit le courant de la
Savus, de là où elle était venue, se dirigeant de nouveau vers le Danuvius.
J’attendis d’être sûr qu’aucun des hommes ne saisirait l’occasion de m’envoyer
je ne sais quel projectile comme cadeau de départ, puis conduisit Velox de la
berge vers la forêt. Dès que nous trouvâmes un chemin longeant la rivière, je
montai en selle, ajustai mes orteils dans les « cale-pieds », et prêt
à affronter ce qui se présenterait, je laissai le vigoureux Velox se dégourdir
les muscles dans un allègre galop d’étirement, en direction de Singidunum.
*
Avant d’y parvenir, je procédai toutefois à une inspection
préalable. Velox m’ayant amené au sommet d’une crête boisée, en lisière de la
forêt, je le stoppai d’une traction des rênes, et découvris au fond d’une
cuvette un spectacle pour le moins curieux. Il n’y avait dans ce creux de
terrain que de rares bouquets d’arbres espacés, le reste de l’espace étant
couvert d’herbe et de buissons ras, aussi voyait-on parfaitement à trois stades
de distance. Deux groupes d’hommes, environ à trois cents pas l’un de l’autre,
avaient pris position chacun dans un bouquet d’arbres, et échangeaient avec
entrain des rafales de flèches. Il m’était difficile d’évaluer les forces de
chaque camp, mais je pus voir une douzaine de chevaux attachés à couvert dans
chacun des bosquets, caparaçonnés d’une armure de guerre.
Je pris soin d’attacher Velox en retrait de la crête afin de
le mettre hors de vue, et repartis observer la scène. Mais je voulais
m’impliquer davantage. Il y avait là un groupe d’Ostrogoths affrontant des
Sarmates… seulement, comment les distinguer les uns des autres ? Nul
étendard ne flottait, et leurs chevaux se ressemblaient tous. Dissimulés à
couvert sous les arbres, les hommes étaient invisibles ; il m’était tout
aussi impossible de déterminer quel camp avait pris l’avantage, et s’il y avait
des blessés d’un côté ou de d’autre. Une double pluie de flèches continuait de
jaillir, se croisant sans apparente diminution de fréquence, car aucun des
archers ne pouvait se trouver à court de munitions ; il lui suffisait de
se pencher pour ramasser par terre les flèches
Weitere Kostenlose Bücher