Thorn le prédateur
murs, aussi sont-ils aussi
affamés que nous. Les riches citoyens actuellement consignés dans la ville se
réjouissent-ils de la présence sarmate, cela je l’ignore. Mais les gens d’ici
sont aussi remontés envers Babai qui a pris leur ville, que contre Camundus qui
n’a pas su la défendre, et contre nous qui sommes incapables de remédier à
cette situation.
— Je crains que je ne puisse rien y faire qui n’ait
déjà été tenté, fis-je avec simplicité. Mais j’apporterai l’aide modeste que je
pourrai. Peut-être que si tu me présentais à votre commandant en chef, il
pourrait me confier un poste de…
Thiuda sourit largement et m’arrêta :
— Tu t’es déjà mêlé aux combats, Thorn. Ne sois pas
trop pressé de t’y couvrir de sang. Laisse-moi d’abord te présenter à notre
fabricant d’armures, Ansila, afin qu’il fabrique ce qu’il faut pour vous
équiper convenablement, toi et ton cheval. Pendant ce temps, je dois
accompagner mes blessés chez le lekeis [124] , et veiller à ce qu’ils soient
bien soignés.
Nous nous arrêtâmes donc dans l’atelier du faber armorum [125] , où le forgeron travaillait sous les ordres d’un costaud Ostrogoth entre
deux âges, à la barbe en broussaille. Thiuda lui dit :
— Custos [126] Ansila,
voici Thorn, mon ami, et une nouvelle recrue pour nos troupes. Prends ses
mesures pour l’équiper de pied en cap. Casque, armure, bouclier, lance, tout ce
qui lui manque. Mets ton forgeron à l’ouvrage sans tarder. Ensuite, tu
montreras à Thorn le chemin de mes quartiers. Habái ita swe !
Ansila salua en silence, et Thiuda me dit :
— Je te reverrai là-bas, et nous y poursuivrons notre
conversation.
Puis il s’en alla.
Tandis que le faber, à l’aide un morceau de corde,
mesurait la circonférence de ma tête et de ma poitrine, la longueur de mes
jambes et ainsi de suite, le custos Ansila me regardait du coin de l’œil
avec curiosité, et il finit par remarquer :
— Il t’a appelé son ami.
— Akh , fis-je, l’air de ne pas y accorder
d’importance. Quand nous nous sommes rencontrés, nous étions coureurs des bois.
— De simples coureurs des bois, vraiment ?
— Il me semble que Thiuda a bien fait son chemin
depuis, continuai-je. Il donne des ordres comme s’il commandait à tous, dans ce
siège, et non à une simple patrouille.
— Vous ne savez donc pas qui est notre chef ?
— Ma foi… ne, m’exclamai-je, réalisant que je ne
m’étais même pas posé la question. On m’a dit que votre roi, Théodemir, était
mort récemment, mais je n’ai pas appris qui lui avait succédé.
— Théodemir, expliqua Ansila sur un ton pédagogique qui
me rappela mes tuteurs de l’abbaye, est la façon dont Burgondes et Alamans
prononcent son nom. Nous, nous appelions notre roi Thiudamer, le suffixe mer signifiant, bien sûr, « réputé, connu ». Thiudamer, le Bien Connu du
Peuple. Il aurait pu évidemment y adjoindre la terminaison honorifique de reikhs, « gouverneur ». Mais depuis longtemps, lui et son frère Wala se
sont partagé chez les Ostrogoths le titre de roi, aussi avaient-ils opté pour
les noms plus modestes de Thiudamer et Walamer, signifiant respectivement le
Connu du Peuple, et le Connu des Puissants. Walamer a été tué au combat, mais
son frère a refusé de changer son nom pour un titre plus ronflant. Thiudamer
étant mort à son tour, son fils est désormais roi unique…
— Attendez un instant, fis-je, commençant enfin à
réaliser. Êtes-vous en train de me dire que mon ami Thiuda…
— Est le fils et le successeur en titre de Thiudamer.
C’est le roi des Ostrogoths, et cela va de soi, notre commandant en chef !
Il est à présent Thiudareikhs, le Gouverneur du Peuple. Et peu importe comment
tu peux le prononcer, dans ton dialecte ou ta langue habituelle. Les Romains
comme les Grecs, par exemple, le nomment Théodoric.
34
La maison de Singidunum que Thiudareikhs s’était appropriée
comme résidence et comme praitoriaún [127] était
toute proche des murailles de la ville intérieure. Tandis que je m’y rendais à
pied, car j’avais laissé Velox attaché avec les autres chevaux de la troupe, je
vis que les Ostrogoths menaient une de leurs attaques de harassement envers
l’ennemi. Des guerriers placés à intervalles réguliers tiraient des
flèches – certaines enflammées – par-dessus les remparts, ou y
projetaient à l’aide de frondes des pierres grosses
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