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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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disposés de façon à représenter un corps humain – et le ciboire
en forme de clocher dans lequel étaient conservées les hosties consacrées
restantes.
    Après la prière de l’eucharistie, la Fraction fut partagée
entre Dom Clément, ses assistants, les autres moines et moi-même, ainsi qu’entre
les invités dûment baptisés que le monastère accueillait ce dimanche. Puis Dom
Clément, trempant son pain dans le calice, procéda au commixtio et
prononça la bénédiction. Les fidèles reçurent alors le reste des hosties
contenues dans le ciboire. Les hommes la prirent à main nue, les femmes la
recueillirent sur une étoffe de lin prévue à cet effet. Tandis que chaque
communiant avalait l’hostie et buvait une gorgée du calice, les autres
officiants chantaient le Trecanum : «  Gustate et
videte… ! » [18]
    Quand tous furent servis, Dom Clément récita l’action de
grâces, mais avant de prononcer la formule de départ, il tint à intercaler un
message qui ne figurait pas dans la liturgie. C’est qu’il était de tradition,
chez les fidèles, de n’ingurgiter qu’une part de l’hostie qu’on leur avait
remise, et d’emporter le reste chez eux, afin d’en reprendre à la fin de
chacune des prières dites en famille dans la semaine. Et Dom Clément tenait
chaque dimanche à mettre en garde ses communiants afin qu’ils ne laissent point
traîner négligemment ces hosties à leur domicile, où un rat, une souris
« ou pire, une personne non baptisée par la Sainte Église
catholique », eût pu accidentellement en manger, sacrilège atroce. Après
quoi, il donna congé à ses ouailles par cette formule : «  Benedicat
et exaudiat nos, Deus. Misse acta est. In pace. » [19]
    Bien que j’eusse maintes fois entendu cet avertissement
relatif à la conservation des hosties, je n’avais jamais songé à me demander
pourquoi il aurait pu y avoir, parmi la communauté de la vallée, des gens
autres que de bons chrétiens catholiques. Je l’ai déjà dit, il m’était souvent
arrivé de voir des paysans agir d’une façon qui ne me semblait pas vraiment,
voire pas du tout, en accord avec les us et coutumes de la religion chrétienne.
J’avais également remarqué que nombre de paysans du Balsan Hrinkhen n’assistaient pas aux messes, même lors des grandes fêtes religieuses. Il y a
bien sûr dans toutes les communautés humaines certains énergumènes « en
proie aux démons », autrement dit des fous, auxquels on interdit d’entrer
dans l’église. J’avais pensé que la plupart de ceux qui négligeaient les
offices devaient être de fieffés rustres, simplement impies ou trop fainéants
pour se déplacer. Mais j’appris dès le lendemain que certains étaient coupables
d’une perversité bien plus répréhensible encore.
    À l’heure convenue, muni de mes tablettes de cire, j’avais
rejoint Dom Clément dans ses appartements et m’étais assis pour me livrer à mon
travail d’exceptor, qui consistait à rédiger sa correspondance. Comme
chaque lundi, l’abbé me demanda si j’avais des questions à lui poser sur son
prêche de la veille. Je lui répondis par l’affirmative, tâchant de ne point
apparaître trop outrecuidant ou irrespectueux :
    — Ces tribus d’Hébreux que vous avez citées dans le
psaume, Nonnus Clément… vous avez expliqué aux fidèles la manière dont
leurs noms dérivaient du latin ou d’un vieux démon romain, n’est-ce pas ?
Mais il est évident que ces peuples de l’Ancien Testament ont dû se dénommer
bien avant que les Romains ne viennent occuper la Terre sainte, et ne lui
imposent leur langue et leurs dieux païens…
    — Un point pour toi, jeune Thorn, convint l’abbé en
souriant. Tu m’as l’air de devenir un jeune homme plein de maturité.
    — Mais alors… dans ce cas… comment avez-vous pu leur
affirmer ce que vous saviez être une contre-vérité ?
    — Pour mieux convaincre l’assemblée du péché de ces
ennemis de notre Seigneur, répliqua-t-il. (Il avait cessé de sourire, mais
parlait sans colère.) Je suis sûr que Dieu saura me pardonner ce petit
mensonge, mon garçon, même si tu ne le fais pas. La plupart de mes ouailles
sont des gens plutôt frustes. Pour conforter la foi chez ces âmes rustiques,
notre Mère l’Église autorise occasionnellement ses ministres à faciliter la
propagation de la vérité au moyen de pieux artifices…
    Je pris le temps de réfléchir à sa réponse,

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