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Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
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avec des poires, du miel et des raisins secs, mais son père la repoussa avec dégoût. Il montra la même aversion pour le plat de mouton au riz que lui présenta Georges et alla s’asseoir au coin de l’âtre, en murmurant entre ses dents des paroles inintelligibles.
    Un feu de pins pétillait dans le foyer et animait de sa lueur tremblotante la figure du vieillard si pâle et si défaite que, sans cet éclairage, on aurait pu la prendre pour celle d’un mort. Sdenka vint s’asseoir auprès de lui.
    — Mon père, dit-elle, vous ne voulez rien prendre ni vous reposer ; si vous nous contiez vos aventures dans les montagnes ?
    En disant cela, la jeune fille savait qu’elle touchait une corde sensible, car le vieux aimait à parler guerres et combats. Aussi, une espèce de sourire parut sur ses lèvres décolorées, sans que ses yeux y prissent part, et il répondit en passant sa main sur ses beaux cheveux blonds :
    — Oui, ma fille, oui, Sdenka, je veux bien te conter ce qui m’est arrivé dans les montagnes, mais ce sera une autre fois, car je suis fatigué aujourd’hui. Je te dirai cependant qu’Alibek n’est plus et que c’est de ma main qu’il a péri. Si quelqu’un en doute, continua le vieillard, en promenant ses regards sur sa famille, en voici la preuve !
    Il défit une manière de besace qui lui pendait derrière le dos, et en tira une tête livide et sanglante à laquelle pourtant la sienne ne le cédait pas en pâleur ! Nous nous en détournâmes avec horreur, mais Gorcha, la donnant à Pierre.
    — Tiens, lui dit-il, attache-moi ça au-dessus de la porte, pour que tous les passants apprennent qu’Alibek est tué et que les routes sont purgées de brigands, si j’en excepte toutefois les janissaires du sultan !
    Pierre obéit avec dégoût.
    — Je comprends tout maintenant, dit-il, ce pauvre chien que j’ai tué ne hurlait que parce qu’il flairait la chair morte !
    — Oui, il flairait la chair morte, répondit d’un air sombre Georges qui était sorti sans qu’on s’en aperçût, et qui rentrait en ce moment, tenant à la main un objet qu’il déposa dans un coin et que je crus être un pieu.
    — Georges, lui dit sa femme à demi-voix, tu ne veux pas, j’espère...
    — Mon frère, ajouta sa sœur, que veux-tu faire ? Mais non, non, tu n’en feras rien, n’est-ce pas ?
    — Laissez-moi, répondit Georges, je sais ce que j’ai à faire et je ne ferai rien qui ne soit nécessaire.
    Sur ces entrefaites, la nuit étant venue, la famille alla se coucher dans une partie de la maison qui n’était séparée de ma chambre que par une cloison fort mince. J’avoue que ce que j’avais vu dans la soirée avait impressionné mon imagination. Ma lumière était éteinte, la lune donnait en plein dans une petite fenêtre basse, tout près de mon lit, et jetait sur le plancher et les murs des lueurs blafardes, à peu près comme elle le fait à présent, mesdames, dans le salon où nous sommes. Je voulus dormir et ne le pus. J’attribuai mon insomnie à la clarté de la lune ; je cherchai quelque chose qui pût me servir de rideau, mais je ne trouvai rien. Alors, entendant des voix confuses derrière la cloison, je me mis à écouter.
    — Couche-toi, femme, disait Georges, et toi, Pierre, et toi, Sdenka. Ne vous inquiétez de rien, je veillerai pour vous.
    — Mais, Georges, répondit sa femme, c’est plutôt à moi de veiller, tu as travaillé la nuit passée, tu dois être fatigué. D’ailleurs sans cela je dois veiller notre aîné. Tu sais qu’il ne va pas bien depuis hier !
    — Sois tranquille et couche-toi, dit Georges, je veillerai pour nous deux !
    — Mais, mon frère, dit alors Sdenka de sa voix la plus douce, il me semble qu’il serait inutile de veiller. Notre père est déjà endormi, et vois comme il a l’air calme et paisible.
    — Vous n’y entendez rien ni l’une ni l’autre, dit Georges d’un ton qui n’admettait pas de réplique. Je vous dis de vous coucher et de me laisser veiller.
    Il se fit alors un profond silence. Bientôt je sentis mes paupières s’appesantir et le sommeil s’emparer de mes sens.
    Je crus voir ma porte s’ouvrir lentement et le vieux Gorcha paraître sur le seuil. Mais je soupçonnais sa forme plutôt que je ne la voyais, car il faisait bien noir dans la pièce d’où il venait. Il me sembla que ses yeux éteints cherchaient à deviner mes pensées et suivaient le mouvement de ma respiration. Puis il avança un pied, puis il

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