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Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
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Georges enjoignit sévèrement à son fils de le réveiller si le vieux paraissait encore.
    Toutes ces circonstances n’empêchaient pas ma tendresse pour Sdenka de se développer toujours davantage.
    Je n’avais pu, de la journée, lui parler sans témoins. Quand vint la nuit, l’idée de mon prochain départ me navra le cœur. La chambre de Sdenka n’était séparée de la mienne que par une espèce de couloir donnant sur la rue d’un côté et sur la cour de l’autre.
    La famille de mes hôtes était couchée, quand il me vint dans l’idée de faire un tour dans la campagne pour me distraire. Entré dans le couloir, je vis que la porte de Sdenka était entrouverte.
    Je m’arrêtai involontairement. Un frôlement de robe bien connu me fit battre le cœur. Puis, j’entendis des paroles chantées à demi-voix. C’étaient les adieux qu’un roi serbe, allant à la guerre, adressait à sa belle.

    « ... Oh, mon jeune peuplier, disait le vieux roi, je pars pour la guerre et tu m’oublieras !
    « Les arbres qui croissent au pied de la montagne sont sveltes et flexibles, mais ta taille l’est davantage !
    « Les fruits du sorbier que le vent balance sont rouges mais tes lèvres sont plus rouges que les fruits du sorbier !
    « Et moi, je suis comme un vieux chêne dépouillé de feuilles, et ma barbe est plus blanche que l’écume du Danube !
    « Et tu m’oublieras, ô mon âme, et je mourrai de chagrin, car l’ennemi n’osera pas tuer le vieux roi !
    « Et la belle répondit : Je jure de te rester fidèle et de ne pas t’oublier. Si je manque à mon serment, puisses-tu, après ta mort, venir sucer tout le sang de mon cœur !
    « Et le vieux roi dit : Ainsi soit-il ! — Et il partit pour la guerre. Et bientôt la belle l’oublia... »

    Ici, Sdenka s’arrêta, comme si elle eût craint d’achever la ballade. Je ne me contenais plus. Cette voix si douce, si expressive, était la voix de la duchesse de Gramont... Sans réfléchir à rien, je poussai la porte et entrai. Sdenka venait d’ôter une espèce de casaquin que portent les femmes de son pays. Sa chemise brodée d’or et de soie rouge, serrée autour de sa taille par une simple jupe quadrillée, composait tout son costume. Ses belles tresses blondes étaient dénouées et son négligé rehaussait ses attraits. Sans s’irriter de ma brusque entrée, elle en parut confuse et rougit légèrement.
    — Oh, me dit-elle, pourquoi êtes-vous venu et que penserait-on de moi si l’on nous surprenait ?
    — Sdenka, mon âme, lui dis-je, soyez tranquille, tout dort autour de nous, il n’y a que le grillon dans l’herbe et le hanneton dans les airs qui puissent entendre ce que j’ai à vous dire !
    — Oh, mon ami, fuyez, fuyez ! Si mon frère nous surprend, je suis perdue !
    — Sdenka, je ne m’en irai que lorsque vous m’aurez promis de m’aimer toujours, comme la belle le promit au roi de la ballade. Je pars bientôt, Sdenka, qui sait quand nous nous reverrons ? Sdenka, je vous aime plus que mon âme, plus que mon salut... ma vie et mon sang sont à vous... ne me donnerez-vous pas une heure en échange ?
    — Bien des choses peuvent arriver dans une heure, dit Sdenka d’un air pensif ; mais elle laissa sa main dans la mienne. Vous ne connaissez pas mon frère, continua-t-elle en frissonnant, j’ai un pressentiment qu’il viendra.
    — Calmez-vous, ma Sdenka, lui dis-je, votre frère est fatigué de ses veilles, il a été assoupi par le vent qui joue dans les arbres ; bien lourd est son sommeil, bien longue est la nuit et je ne vous demande qu’une heure ! Et puis, adieu... peut-être pour toujours !
    — Oh, non, non, pas pour toujours ! dit vivement Sdenka ; puis elle recula comme effrayée de sa propre voix.
    — Oh ! Sdenka, m’écriai-je, je ne vois que vous, je n’entends que vous, je ne suis plus maître de moi, j’obéis à une force supérieure, pardonnez-moi, Sdenka ! Et comme un fou je la serrai contre mon cœur.
    — Oh, vous n’êtes pas mon ami, dit-elle en se dégageant de mes bras, et elle alla se réfugier dans le fond de sa chambre. Je ne sais ce que je lui répondis, car j’étais moi-même confus de mon audace, non qu’en pareille occasion elle ne m’ait réussi quelquefois, mais parce que, malgré ma passion, je ne pouvais me défendre d’un respect sincère pour l’innocence de Sdenka.
    J’avais, il est vrai, hasardé au commencement quelques-unes de ces phrases de galanterie qui ne déplaisaient pas aux

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