Tragédies Impériales
était temps encore. Mais l’empereur ne voulait rien savoir. Il croyait encore, contre vents et marées, à l’amour de ses sujets. Il décida de lutter avec ses propres forces, alla s’enfermer dans la forteresse de Queretaro…
C’était une forte ville, qui aurait pu tenir longtemps mais un traître en ouvrit les portes. L’empereur fut pris, emprisonné avec deux de ses généraux Mieja et Miramon. Juarez le traduisit en jugement.
Quand cette nouvelle fut connue en Europe et aux États-Unis, ce fut une marée de protestations diplomatiques, émanant de toutes les chancelleries, qui convergea vers le chef rebelle. Nul ne pouvait admettre qu’il songeât à faire mourir le propre frère de l’empereur d’Autriche, un prince européen. Mais Juarez était indien. Pour lui, un ennemi était un ennemi. Maximilien et ses deux généraux furent condamnés à mort.
Le 19 juin 1867, l’empereur quitta sa prison, escorté des deux autres condamnés. Il était vêtu de noir, mais portait fièrement l’ordre de la Toison d’Or. En franchissant le seuil, il leva les yeux vers le merveilleux ciel turquoise :
— Quelle magnifique journée ! dit-il. Je ne pouvais en choisir une plus belle pour mourir.
Puis, comme le son d’une trompette parvenait jusqu’à lui, il se tourna vers le général Mieja :
— Est-ce le signal de l’exécution, Tomas ? Mieja hocha la tête, sourit courageusement :
— Je ne sais pas, Sire. C’est la première fois qu’on m’exécute.
Quand sept heures sonnèrent au clocher de la ville, la salve d’artillerie déchira l’air. Les trois hommes s’écroulèrent. Le dernier mot de l’empereur déchu avait été :
— Pauvre Charlotte…
Jusqu’au 16 janvier 1927, jusqu’à quatre-vingt-seize ans, la malheureuse Charlotte devait traîner son martyre. La nuit qui l’avait prise ne devait plus jamais la quitter. Inlassablement, jour après jour, elle écrivait et récrivait la même lettre, un cri d’amour pour celui qui n’était plus. Pourtant, une nuit, dans le plus grand secret, l’impératrice, que l’on disait stérile, mit au monde un enfant, un petit garçon, que l’on se hâta d’escamoter et sur lequel, désormais, veilla de loin la sollicitude de la cour belge. Mais ceci est une autre histoire…
DEUX VICTIMES
DE MAYERLING
L’épouse de Rodolphe,
Stéphanie de Belgique
On était le 10 mai 1881. Pourtant, le jour qui se levait sur Vienne était brumeux, chargé de nuages qui annonçaient la pluie. L’heure était si matinale qu’au palais de Schönbrunn, seuls les serviteurs étaient éveillés, les serviteurs et les gardes.
Pourtant, dans une grande chambre du premier étage, une jeune fille regardait se lever ce jour si triste qui devait être, normalement, le plus beau de sa vie. Pieds nus, ses cheveux blonds soigneusement nattés pendant sur sa longue chemise de nuit, elle se tenait dissimulée dans les plis des grands rideaux de velours afin de contempler le parc sans être vue.
C’était, en vérité, une très jeune fille. Elle avait seize ans et des yeux bleus inquiets encore, tout pleins de candeur, d’admiration aussi car, en dépit de la pluie, elle aimait déjà ce parc si magnifiquement fleuri. Elle aimait aussi ce palais, mais il avait tant de dorures, tant de meubles imposants, tant de lourdes tentures que la jeune fille n’était pas tout à fuit certaine de ne pas regretter déjà son cher palais de Laeken et l’atmosphère familiale qui y était de mise. Pourtant, ce palais, sa mère y avait vécu enfant, jeune fille, avant de devenir reine des Belges, car cette jeune fille s’appelait Stéphanie et elle allait, ce même jour, épouser l’héritier d’Autriche, l’archiduc Rodolphe, l’un des princes les plus séduisants d’Europe.
Jusque-là, le mariage lui était apparu comme une belle aventure. Une aventure qui avait commencé un an plus tôt par l’irruption d’une gouvernante dans la salle de classe de Laeken où Stéphanie faisait ses devoirs.
On l’avait emmenée sans une explication, remise aux femmes de chambre qui l’avaient dépouillée, en quelques secondes, de ses vêtements de petite fille pour la revêtir d’une robe comme on ne lui en avait encore jamais donné. On l’avait coiffée en jeune fille et, pour la première fois aussi, on lui avait donné des bijoux. Puis, ainsi parée, on l’avait conduite dans le salon, où ses parents l’attendaient auprès d’un grand jeune homme blond
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