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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sentiments de cette jeune fille, il vaut mieux ne pas tenter le diable !
    Les sentiments d’Élisa ? Ils étaient d’une évangélique simplicité : elle adorait Guillaume depuis deux ans déjà, et malgré son jeune âge, savait parfaitement qu’elle n’aimerait jamais personne d’autre.
    Depuis qu’elle avait fait, tout récemment, son entrée dans le monde, la jolie Polonaise n’imaginait pas que la vie pût être autre chose qu’une suite continuelle de fêtes où elle danserait avec Guillaume, de chasses où elle suivrait Guillaume, de revues où elle applaudirait Guillaume, et de délicieux instants de solitude à deux où elle vénérerait Guillaume en toute tranquillité. Et elle n’avait eu aucun besoin qu’il avouât son amour pour tout savoir de cet amour. Leur tendresse mutuelle devait être inscrite de toute éternité dans le ciel pour servir d’exemple à tous les amoureux de la terre : exactement comme Roméo et Juliette mais en espérant tout de même que les choses se termineraient mieux !
    Il est vrai que lorsqu’elle consultait son miroir, celui-ci se montrait très encourageant. Elle pouvait y voir l’image blonde et rose d’une frêle mais délicieuse jeune fille, dont le charme et l’éclat évoquaient irrésistiblement les porcelaines de Saxe. Elle était intelligente, de surcroît, cultivée, bonne musicienne. Ses seuls défauts apparents se bornaient, car elle avait une âme exquise, à une étourderie bien excusable à son âge et à une propension marquée à la taquinerie. Ainsi, adorait-elle « faire enrager » Guillaume quand il venait chez ses parents pour l’une de ces longues visites au cours desquelles tous deux se conduisaient comme des enfants joueurs. Mais à d’autres moments, Élisa et Guillaume pouvaient garder le silence des heures durant, et il leur arrivait de se promener côte à côte au jardin sans échanger un seul mot, surpris, l’un et l’autre, de s’apercevoir qu’un silence pouvait être si éloquent.
    Hélas, après l’intervention de von Schilden, intervention que la jeune fille ignorait bien entendu, ces agréables relations se modifièrent sensiblement.
    D’abord, pendant une mortelle quinzaine, Guillaume ne mit pas les pieds au palais Radziwill. Bien plus : invité à une réception, il s’était excusé par un billet court et protocolaire qui alléguait un subit départ en manœuvres avec son régiment. Le billet était adressé à la mère d’Élisa et la pauvre enfant attendit en vain une lettre de son ami. Mais il y eut pire !
    Par un bel après-midi, Guillaume reparut enfin. Elisa, tout heureuse, se précipita à sa rencontre comme elle en avait l’habitude lorsqu’elle reconnaissait dans la cour le pas de son cheval, en criant :
    — Guillaume ! Mon cher prince ! Enfin, vous voilà ! Que je suis heureuse !
    Son élan se brisa sur la dernière marche du bel escalier de marbre car, au lieu de faire la moitié du chemin vers elle, les mains tendues, selon son habitude le cher Guillaume se figea en une sorte de garde-à-vous et cassa méthodiquement en deux parties égales son grand corps, en un salut des plus protocolaires. Cependant, un vieux général, debout derrière lui comme s’il prétendait remplacer son ombre, en faisait autant :
    — Heureux de vous revoir, Élisa ! La princesse, votre mère, veut-elle bien me recevoir ?
    La jeune fille fut si douloureusement surprise qu’elle resta sans voix. Qu’est-ce que c’était que ce vieux général et pourquoi donc Guillaume l’avait-il amené ? Le prince dut comprendre la muette interrogation de son amie, car il se retourna légèrement vers son mentor.
    — J’allais oublier de vous présenter le général von Hersfeld que le roi, mon père, a spécialement chargé de veiller sur moi.
    Pour une fois, le sens de l’humour d’Élisa se trouva en défaut. Pourquoi diable Guillaume avait-il besoin que l’on veillât sur lui quand il venait la voir ?
    — Ma mère est là, dit-elle enfin machinalement. Je vais vous annoncer.
    Et refoulant ses larmes, elle retourna dans le vestibule du palais, suivie de Guillaume et du vieux général…
    Jamais visite ne fut plus lugubre que celle du prince Guillaume, flanqué de son vieux général-mentor, à la princesse Radziwill. Celle-ci regardait tour à tour sa fille, Élisa, dont le chagrin visible ne lui échappait pas, et le prince qui, à la lettre, semblait avoir avalé son sabre. La jeune fille, elle,

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