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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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était au fond du désespoir. Jamais encore elle n’avait éprouvé cette impression d’abandon, de solitude et de déchirement. On lui avait changé son cher Guillaume !
    Pour tenter de secouer l’angoisse qui venait, elle essaya une diversion, se leva :
    — J’allais oublier de vous dire, cher Guillaume, que nous avons de nouveaux poneys et ils sont absolument magnifiques. Voulez-vous les voir ?
    Le prince se leva instantanément, comme mu par un ressort mais sans quitter pour autant son air guindé :
    — J’en serai enchanté. Je vous suis.
    Si Élisa éprouva quelque joie de l’arracher enfin au salon, cette joie fut de courte durée. Le vieux général s’était levé du même mouvement que Guillaume et se mettait en devoir de lui emboîter le pas. Son espérance d’être seule un moment avec celui qu’elle aimait s’évanouit en fumée. Où étaient les douces causeries de naguère ? Et comment laisser parler son cœur sous l’œil sourcilleux d’un vieux militaire aux jambes en cerceau ?
    Elle reprit courage à l’idée qu’il y avait bal au palais royal quelques jours plus tard et qu’en général, Guillaume, les danses d’obligation, donc les « corvées », achevées, ne dansait guère qu’avec elle.
    Hélas ! bien qu’avant de quitter le palais Radziwill son miroir lui eût affirmé qu’elle était ravissante, le cher Guillaume ne l’invita qu’une seule fois et quand, la danse terminée, il la conduisit au buffet pour un rafraîchissement, force fut à la jeune fille de constater… que le général von Hersfeld les avait suivis comme leur ombre. Aussi, en rentrant chez elle après ce bal affreux, la pauvre enfant ne trouva-t-elle qu’une chose sensée à faire : se jeter sur son lit en sanglotant.
    « Il ne m’aime plus !… balbutiait-elle entre deux crises de larmes. Il ne me voit même plus ! Peut-être que je me suis trompée ! Peut-être qu’il ne m’a jamais aimée ?… Oh ! Guillaume ! Guillaume !… Pourquoi ? »
    Plus avertie, Élisa eût remarqué la tristesse évidente du prince et, peut-être aussi, les regards douloureux qu’il lui lançait à la dérobée. Mais elle était l’innocence même et, en outre, légèrement myope.
    En fait, le malheureux Guillaume endurait le martyre. Il adorait Élisa, il l’aimait même plus que jamais. Il lui fallait employer toutes ses forces pour se maîtriser en sa présence et demeurer fidèle à la ligne de conduite impitoyable qu’il s’était imposée. Mais en vérité, c’était de plus en plus difficile, de plus plus cruel, et le pauvre garçon se demandait combien de temps encore il pourrait endurer stoïquement supplice.
    Or, un soir, au moment de prendre congé de princesse Marie, mère d’Élisa, à l’issue d’une fête au palais Radziwill, les nerfs trop tendus du malheur craquèrent brusquement. Pendant toute la soirée Élisa l’avait fui comme la peste. Elle n’avait même pas souri quand il était arrivé, et cet éloignement dédaigneux de sa bien-aimée, c’était plus qu’il n’en pouvait supporter…
    Ce fut affreux ! En portant à ses lèvres la main de la princesse Marie, Guillaume éclata en sanglots tellement désespérés qu’ils causèrent, naturellement, une grande sensation dans l’assistance. Une sensation telle qu’en apprenant l’incident, le grand maître des cérémonies, von Schilden, qui croyait l’affaire Radziwill définitivement enterrée, pensa en défaillir d’horreur.
    Mais les pâmoisons de von Schilden, Guillaume n’en avait cure. Il en avait assez de souffrir et, à peine rentré chez lui, il se jetait sur son bureau et griffonnait fiévreusement quelques mots :
     
    « Je vous aime ! Je n’ai jamais aimé et n’aimerai jamais que vous… et je n’ai même pas le droit de vous le dire… »
     
    En recevant ce billet, Élisa, une fois de plus, éclata en sanglots mais cette fois c’étaient des larmes de bonheur et de soulagement. Jamais elle n’avait eu aussi peur…
    Durant l’hiver 1821, de grandes fêtes furent données au palais royal de Berlin en l’honneur de la princesse Charlotte, sœur de Guillaume, qui avait épousé le grand-duc Nicolas, héritier du trône de toutes les Russies, et qui venait en visite avec son époux. Des bals, des concerts, des tableaux vivants, des festins se succédèrent, et la jeune Élisa participa naturellement à toutes ces réjouissances avec le bel enthousiasme de son âge et du fait que son

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