Tragédies Impériales
produisit : nombre de gens prétendirent avoir rencontré Johann Orth qui au Chili, qui en Afrique occidentale, qui en Patagonie, qui même dans l’île Juan Fernandez où avait vécu Robinson Crusœ, qui enfin en Inde, accompagné de Milly et de leurs enfants car, bien sûr, Milly elle aussi disparut sans que personne pût suivre sa trace.
Or, chose étrange, ceux qui prétendaient avoir rencontré Jean-Salvator ne faisaient aucune mention de la jeune femme, à l’exception d’une rocambolesque histoire due tout entière à l’imagination inépuisable de l’incurable comtesse Larisch-Wallersee, qui prétendait avoir retrouvé le jeune couple dans un massif montagneux au cœur de la Chine…
Reste un dernier témoignage, le dernier, le plus convaincant aussi : celui d’un voyageur français, le comte Jean de Liniers.
Celui-ci aurait rencontré en Patagonie, au pied du volcan Fitz-Roy, un étrange ranchero, Fred Otten, vivant là en compagnie d’un Anglais et d’un Allemand. Ce Fred Otten lui aurait avoué, un jour, n’être autre que le mystérieux Johann Orth. Quant à Milly, il aurait rompu avec elle avant même de quitter l’Angleterre. Mais en ce cas, que serait devenue la jeune femme et pourquoi n’aurait-elle laissé aucune trace elle non plus ?
Deux ans plus tard, le comte de Liniers retourna aux abords du volcan. Mais cette fois, il ne trouva plus qu’une tombe. Était-ce celle de Jean-Salvator ? Ou bien faut-il chercher ailleurs, au Brésil peut-être où l’ancienne famille impériale aurait peut-être beaucoup à dire sur la disparition si mystérieuse de la quatrième victime de Mayerling.
EMPEREURS
D'ALLEMAGNE
Le romantique amour
de Guillaume I er
Le 18 janvier 1871, dans la prestigieuse galerie des Glaces du château de Versailles, la France, vaincue, connaissait la pire des humiliations. Dans le plus beau palais de l’univers, dans ce palais où s’étaient déroulés deux siècles, parmi les plus glorieux de la France, l’empire allemand était proclamé…
Ainsi l’avait voulu Bismarck, le chancelier de fer, l’homme qui n’avait jamais su voir dans la France autre chose qu’un pays commode pour y faire éclore ses amours. Et, sous le dais de soie et d’or que l’on avait installé pour la circonstance, le roi Guillaume de Prusse devint l’empereur Guillaume I er .
Si l’empire était jeune, lui ne l’était plus. C’était un vieil homme de soixante-quatorze ans, dur et taciturne, un géant assez semblable à l’homme qui l’avait mis où il était. La France n’avait pour lui que de la haine, une haine bien légitime, mais il s’en souciait peu. En dehors de la couronne impériale qui allait coiffer son front têtu rien ne l’intéressait plus vraiment en ce bas monde. Il avait une femme, qu’il n’avait jamais aimée, des enfants, des petits-enfants, mais son cœur, enfoui depuis longtemps sous l’uniforme et les décorations, ne se manifestait plus que rarement. Et peut-être le peuple transi, haineux, qui, la colère et les larmes au fond des yeux, regarda briller dans la brume le fantôme de pierre de sel gloires éteintes eût-il un peu moins souffert s’il avait pu deviner que le vieil empereur vers qui Bismarck faisait monter des volées d’acclamations guerrières n’en entendait peut-être pas grand-chose. Peut-être ! au lieu des ors de Versailles, voyait-il au fond de mémoire ceux de Charlottenburg et, sous les lustres illuminés d’un soir de bal, une jeune fille blonde, en robe blanche, qui dansait…
Tout avait débuté cinquante ans plus tôt, au mois de juin 1820 quand le roi Frédéric-Guillaume III de Prusse, père de Guillaume, avait commencé d’éprouver quelques soucis au sujet de son fils cadet. En effet, depuis quelques semaines le jeune Guillaume I er vingt-trois ans, donnait des signes indubitables et inquiétants de dérangement sentimental.
L’évidence voulait que le jeune prince ne mangeât plus guère, eût perdu le sommeil et, rêvant plus souvent qu’à son tour, affichât un peu partout et en toutes circonstances, même pendant les revues militaires, une mine songeuse et romantique tout à fait susceptible d’attendrir le cœur sensible des jeunes Berlinoises, mais absolument incompatible avec un grade de colonel. Et les potineuses de la Cour chuchotaient volontiers, dans les couloirs de Charlottenburg, que l’objet de la passion cachée du jeune homme était une ravissante fille de seize ans, la
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