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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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et qu'ayant reçu une beaucoup plus grande part que n'ont fait le reste de leurs frères, ils seraient plus en état de faire du bien.
     
    203. Quoi, dira-t-on, on peut donc s'opposer aux commandements et aux ordres d'un Prince? On peut lui résister toutes les fois qu'on se croira maltraité, et qu'on s'imaginera qu'il n'a pas droit de faire ce qu'il fait? S'il était permis d'en user de la sorte, toutes les sociétés seraient bientôt renversées et détruites; et, au lieu de voir quelque gouvernement et quelque ordre, on ne verrait qu'anarchie et que confusion.
     
    204. je réponds qu'on ne doit opposer la force qu'à la force injuste et illégitime, et à la violence; que quiconque résiste dans quelque autre cas, s'attire une juste condam­nation, tant de la part de Dieu que de la part des hommes; et qu'il ne s'ensuit point que toutes les fois qu'on s'opposera aux entreprises d'un Souverain, il en doive résulter des malheurs et de la confusion.
     
    205. Car, premièrement, comme dans quelque pays, la personne du Prince est sacrée par les lois, il n'y a jamais à craindre pour elle aucune plainte, ni aucune vio­lence, quelque chose qu'il commande ou qu'il fasse, et elle n'est sujette à nulle censu­re, ni à nulle condamnation : on peut seulement former des oppositions contre des actes illégitimes et illicites de quelque officier inférieur, ou de quelque autre qui aura été commis par le Prince; on peut, dis-je, en user de la sorte, et le Prince ne doit pas trouver mauvais qu'on le fasse, à moins qu'il n'ait dessein, en se mettant actuellement en état de guerre avec son peuple, de dissoudre le gouverne­ment, et ne l'oblige d'avoir recours à cette défense, qui appartient à tous ceux qui sont dans l'état de nature. Or, qui est capable de dire ce qui peut en arriver? Un Royaume voisin a fourni au monde, il y a longtemps, un fameux exemple sur ce sujet. Dans tous les autres cas, la per­sonne sacrée du Prince est à l'abri de toutes sortes d'incon­vénients; et tandis que le gouvernement subsiste, il n'a à craindre aucune violence, aucun mal; et, certes, il ne peut y avoir une constitution et une pratique plus sage; car le mal que peut faire un Prince par sa seule personne et par sa force particulière, ne saurait vraisemblablement arriver souvent, ni s'étendre fort loin et renverser les lois, ou opprimer le corps du peuple; à moins qu'un Prince ne fût extrêmement faible, ou extrêmement méchant. Et pour ce qui regarde quelques malheurs particuliers qui peuvent arriver, lorsqu'un Prince têtu et fâcheux est monté sur le trône, ils sont fort réparés et compensés par la paix publique et la sûreté du gouvernement, quand la personne du principal Magistrat est à couvert de tout danger : étant beaucoup plus avantageux et plus salutaire à tout le corps, que quelques particuliers soient quelque­fois en danger de souffrir, que si le chef de la république était exposé facilement et sur le moindre sujet.
     
    206. En second lieu, le privilège dont nous parlons ne regarde que la personne du Roi, et n'empêche point qu'on ne puisse se plaindre de ceux qui usent d'une force injuste, s'opposer à eux et leur résister, quoiqu'ils disent avoir reçu de lui leur com­mis­sion. En effet, si quelqu'un a reçu ordre du Roi d'arrêter un homme, il ne s'ensuit point qu'il ait droit d'enfoncer la porte de sa maison pour se saisir de lui, ni d'exécuter sa commission dans de certains jours, ni dans de certains lieux, bien que cette exception-là ne soit pas mentionnée dans la commission : il suffit que les lois la fassent, pour qu'on soit obligé de s'y conformer exactement; et rien ne peut excuser ceux qui vont au-delà des bornes qu'elles ont marquées. En effet le Roi, tenant des lois toute son autorité, ne peut autoriser aucun acte qui soit contraire à ces lois, ni justifier, par sa commission, ceux qui les violent. La commission ou l'ordre d'un Magistrat qui entreprend au-delà du pouvoir qui lui a été commis n'est pas plus considérable que celle d'un particulier. La seule différence qui se trouve entre l'une et l'autre, consiste en ce que le Magistrat a quelque autorité, a une certaine étendue pour certaines fins, et qu'un particulier n'en a point du tout. Après tout, ce n'est point la commission, mais l'autorité qui donne droit d'agir; et il ne saurait y avoir d'autorité contre les lois. Du reste, nonobstant cette résistance qu'on peut faire dans le cas proposé, la personne et

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