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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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couronnement. De sorte que tout Roi juste, dans un royaume fondé, est obligé d'observer la paction qu'il a faite avec son peuple, de conformer son gouvernement aux lois, et d'agir sui­vant cette paction que Dieu fit avec Noé après le déluge. Désormais, le temps de semer et le temps de moissonner, le froid et le chaud, l'été et l'hiver, le jour et la nuit, ne cesseront point, pendant que la terre demeurera. Un Roi donc qui tient les rênes du gouvernement dans un royaume formé, cesse d'être Roi, et devient tyran dès qu'il cesse, dans son gouvernement, d'agir conformément aux lois. Et un peu après : Ainsi, tous les Rois qui ne sont pas tyrans ou parjures, seront bien aises de se contenir dans les limites de leurs lois; et ceux qui leur persuadent le contraire, sont des vipères et une peste fatale tant au regard des Rois eux-mêmes, qu'au regard de l'État. Voilà la différence qu'un savant Roi, qui avait l'esprit droit et de vraies notions des choses, met entre un Roi et un tyran, laquelle consiste en ce que l'un fait des lois et met des bornes à son pouvoir, et considère le bien public comme la fin de son gouvernement, l'autre, au contraire, suit entièrement sa volonté particulière et ses passions déréglées.
     
    201. C'est une erreur que de croire que ce désordre et ces défauts, qui viennent d'être marqués, ne se trouvent que dans les monarchies; les autres formes de gouver­nement n'y sont pas moins sujettes. Car, enfin, partout où les personnes qui sont élevées à la suprême puissance, pour la conduite d'un peuple et pour la conservation de ce qui lui appartient en propre, emploient leur pouvoir pour d'autres fins, appau­vris­sent, foulent, assujettissent à des commandements arbitraires et irréguliers des gens qu'ils sont obligés de traiter d'une tout autre manière ; là, certainement, il y a tyran­nie, soit qu'un seul homme soit revêtu du pouvoir, et agisse de la sorte, soit qu'il y en ait plusieurs. Ainsi, l'histoire nous parle de trente tyrans d'Athènes, aussi bien que d'un de Syracuse; et chacun sait que la domination des Décemvirs de Rome ne valait pas mieux, et était une véritable tyrannie.
     
    202. Partout où les lois cessent, ou sont violées au préjudice d'autrui, la tyrannie commence et a lieu. Quiconque, revêtu d'autorité, excède le pouvoir qui lui a été donné par les lois, et emploie la force qui est en sa disposition à faire, à l'égard de ses sujets, des choses que les lois ne permettent point, est, sans doute, un véritable tyran; et comme il agit alors sans autorité, on peut s'opposer à lui tout de même qu'à tout autre qui envahirait de force le droit d'autrui. Il n'y a personne qui ne reconnaisse qu'il est permis de s'opposer de la même manière à des magistrats subordonnés. Si un homme qui a eu commission de se saisir de ma personne dans les rues, entre de force dans ma maison et enfonce ma porte, j'ai droit de m'opposer à lui comme à un voleur, quoique je reconnaisse qu'il a pouvoir et reçu ordre de m'arrêter dehors. Or, je vou­drais qu'on m'apprît pourquoi on n'en peut pas user de même à l'égard des Magistrats supérieurs et souverains, aussi bien qu'à l'égard de ceux qui leur sont inférieurs? Est-il raisonnable que l'aîné d'une famille, parce qu'il a la plus grande partie des biens de son père, ait droit par là de ravir à ses frères leur portion; ou qu'un homme riche, qui possède tout un pays, ait droit de se saisir, lorsqu'il lui plaira, de la chaumière ou du jardin de son pauvre prochain? Bien loin qu'un pouvoir et des richesses immenses, et infiniment plus considérables que le pouvoir et les richesses de la plus grande partie des enfants d'Adam, puissent servir d'excuse, et surtout de fondement légitime pour justifier les rapines et l'oppression, qui consistent à préjudicier à autrui sans autorité : au contraire, ils ne font qu'aggraver la cruauté et l'injustice. Car enfin, agir sans auto­rité, au-delà des bornes marquées, n'est pas un droit d'un grand plutôt que d'un petit officier, et ne paraît pas plus excusable dans un Roi que dans un Commissaire de quartier, ou dans un sergent : cela est même moins pardonnable dans ceux qui ont été revêtus d'un grand pouvoir, parce qu'on a pris en eux plus de confiance, qu'on a supposé que l'avantage de leur éducation, les soins de leurs gouverneurs, les lumières et l'habileté de leurs conseillers, leur donneraient plus d'intelligence et de capacité;

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