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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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Mais accordons qu'un conquérant, dans une juste guerre, a droit sur les biens, tout de même que sur les personnes de ceux qui sont subjugués; il est pourtant clair que cela n'est point; il ne s'ensuivrait pas, sans doute, que dans la suite de son gouvernement, il dût avoir un pouvoir absolu. Car les descendants de ces gens-là étant tous hommes libres, s'il leur donne des biens et des possessions afin qu'ils habitent et peuplent son pays, sans quoi il ne serait de nul prix et de nulle considéra­tion, ils ont un droit de propriété sur ces possessions et sur ces biens : or, la nature de la propriété consiste à posséder quelque chose, en sorte que personne n'en puisse légitimement prendre rien, sans le consentement du propriétaire.
     
    194. Leurs personnes sont libres, par un droit naturel : et quant aux biens qui leur appartiennent en propre, qu'ils soient grands ou petits, eux seuls en peuvent disposer; autrement, ce ne seraient point des biens propres. Supposons qu'un conquérant donne à un homme mille arpents de terre, pour lui et pour ses héritiers, à perpétuité, et qu'il laisse à un autre mille arpents, à vie, moyennant la somme de 50 ou 500 livres par an; l'un d'eux n'a-t-il pas droit sur mille arpents de terre, à perpétuité, et l'autre sur autant pendant sa vie, en payant la rente que nous avons marquée? De plus, celui qui tient la terre de mille arpents, n'a-t-il pas un droit de propriété sur tout ce que durant le temps prescrit, il gagne et acquiert, par son travail et son industrie, au-delà de la rente qu'il est obligé de payer, quand même il aurait acquis et gagné le double de la rente? A-t-on raison de dire qu'un Roi ou un conquérant, après avoir accordé et stipulé ce qu'on vient de voir, peut, par son droit de conquête, prendre toute la terre, ou une partie, aux héritiers de l'un, ou à l'autre, durant sa vie, et pendant qu'il paie exactement la rente qui a été constituée? Ou, peut-il prendre à l'un ou à l'autre, selon son bon plaisir, les biens ou l'argent qu'il aura acquis ou gagné sur les arpents de terre mentionnés ? S'il le peut, alors il faut que tous les contrats, que tous les traités, que toutes les con­ven­tions cessent dans le monde, comme des choses vaines et frivoles; tout ce que les grands accorderont, ne sera qu'une chimère; les promesses de ceux qui ont la suprême puis­sance ne seront que moquerie et qu'illusion. Et peut-il y avoir rien de plus ridi­cule que de dire solennellement, et de la manière du monde la plus propre à donner de la confiance et à assurer une possession : Je vous donne cela pour vous et pour les vôtres, à perpétuité, et que cependant il faille entendre que celui qui parle de la sorte a droit de reprendre le lendemain, s'il lui plaît, ce qu'il donne ?
     
    195. Je ne veux point examiner à présent la question, si les Princes sont exempts d'observer les lois de leur pays; mais je suis sûr qu'ils sont obligés, et même bien étroitement, d'observer les lois de Dieu et de la nature. Nul pouvoir ne saurait jamais exempter de l'observation de ces lois éternelles. L'obligation qu'elles imposent est si grande et si forte, que le Tout-Puissant lui-même ne peut en dispenser. Les accords, les traités, les alliances, les promesses, les serments sont des liens indissolubles pour le Très-Haut. Ne seront-ils donc pas aussi (malgré tout ce que disent les flatteurs aux Princes du monde), des liens indissolubles, et des choses d'une obligation indispen­sable pour des potentats qui, joints tous ensemble avec tous leurs peuples, ne sont en comparaison du grand Dieu, que comme une goutte qui tombe d'un seau, ou comme la poussière d'une balance?

    196. Donc, pour revenir aux conquêtes, un conquérant, si sa cause est juste, a un droit despotique sur la personne de chacun de ceux qui sont entrés en guerre contre lui, ou ont concouru à la guerre qu'on lui a faite; et peut, par le travail et les biens des vaincus, réparer le dommage qu'il a reçu, et les frais qu'il a faits, en sorte pourtant qu'il ne nuise point aux droits de personne. Pour ce qui regarde le reste des gens, sa­voir ceux qui n'ont point consenti et concouru à la guerre, et même les enfants des prisonniers; et pour ce qui regarde aussi les possessions des uns et des autres, il n'a nul droit sur ces personnes, ni sur ces biens; et, par conséquent, il ne saurait, par voie et en vertu de sa conquête, avoir aucun droit de domination sur ces gens-là, ni

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