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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stefan Zweig
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de...
     
    (Il donne un coup de poing sur la table.)

     
    BERTHIER.
     
    Du calme, Fourès ! Vous réveillez la maison !
     
    FOURÈS.
     
    Tant mieux ! Assez de sournoiseries ! Ils n’ont qu’à se réveiller et entendre comme on agit ici cavalièrement envers un officier de la République qui n’a même pas le droit de demander où est sa femme... S’il y a un type dans le jeu, je lui sauterai à la gorge...
     
    BERTHIER, impérieusement.
     
    Silence ! ( Il s’approche de Fourès et lui dit doucement, mais sur un ton de menace ) : Je vous mets en garde, citoyen lieutenant, pas d’esclandre ici ! Je vous le dis parce que je vous veux du bien. Et puisque vous tenez tellement à le savoir, apprenez donc que deux jours après votre départ, votre femme s’est mise sous la protection du général Bonaparte !
     
    (Fourès s’effondre terrifié et le regarde fixement comme quelqu’un qui a perdu l’esprit.)
     
    BERTHIER.
     
    Vous ne supposerez pas, je pense, que le général a usé de contrainte pour qu’elle prenne cette décision.
     
    FOURÈS, après un instant de silence, ahuri.
     
    Je ne peux pas croire ce que vous me dites ! Il faut qu’elle me le dise elle-même ! Je dois l’entendre de sa bouche ! Je veux lui parler tout de suite. ( Criant .) Tout de suite.

    (Au même moment.)
     
    BONAPARTE ouvre brusquement la porte et entre, irrité.
     
    Qui fait pareil vacarme ici ? Quel est cet impudent ? Qu’y a-t-il ?
     
    BERTHIER, qui ne demande qu’à se tirer de là, sur un ton sec.
     
    Le lieutenant Fourès vient se mettre aux ordres ; il arrive de captivité, les Anglais l’ont relâché.
     
    (Fourès se met involontairement au garde-à-vous.)
     
    BONAPARTE, une seconde ébahi, s’avance calmement vers Fourès et, après une légère pause, dit d’une voix froide et objective.
     
    Vous étiez sur L’Arethusa, citoyen lieutenant ?
     
    FOURÈS.
     
    Oui.
     
    BONAPARTE.
     
    Vous avez été fait prisonnier avec les autres ?
     
    FOURÈS.
     
    Oui.
     
    BONAPARTE.
     
    S’agit-il d’une négligence du capitaine ? N’y avait-il pas moyen d’échapper ?

     
    FOURÈS.
     
    Non. Nous marchions à toutes voiles et c’est seulement lorsque le mât fut emporté que nous avons amené le drapeau.
     
    BONAPARTE.
     
    Les Anglais ont libéré tout l’équipage ?
     
    FOURÈS.
     
    Non. Moi seulement.
     
    BONAPARTE.
     
    Bizarre... ( Silence .) Sur parole ?
     
    FOURÈS.
     
    Non. Sans condition. J’ai refusé de donner ma parole.
     
    BONAPARTE.
     
    Très bien ! Je n’aime pas qu’un de mes officiers s’engage sur parole à ne plus combattre. Vous me ferez demain un rapport détaillé sur toutes les circonstances de cette affaire. ( Sur un ton qui met fin à l’entretien .) Merci ! (A Berthier .) As-tu fini ? Sinon, laisse le reste pour demain. Assez turbiné pour aujourd’hui ! ( Il prend les papiers avec calme et se tourne vers la porte de sortie .)

     
    FOURÈS, dont la colère se rallume dès qu’il n’est plus sous l’empire du regard de Bonaparte, lui emboîte le pas, le serrant de près. Menaçant :
     
    Citoyen général, je...
     
    BONAPARTE se retourne vivement ; puis, froidement, avec une négligence hautaine :
     
    En effet, Fourès, il y a encore l’autre affaire à régler avec vous. En votre absence, votre femme est venue me trouver : elle désire se séparer de vous et demande l’annulation de son mariage. Maintenant que vous êtes de retour, l’affaire peut être réglée officiellement. Présentez-vous donc ici demain matin à dix heures, accompagné d’un officier, comme témoin. ( Sur un ton de strict commandement : ) A dix heures ! Précises !
     
    FOURÈS, comme paralysé, automatiquement :
     
    A vos ordres !
     
    BONAPARTE, ton bref, coupant court à toute réplique.
     
    Merci. Vous pouvez disposer !
     
    (Fourès n’a pas la force de résister. Il salue militairement et disparaît.)
     
    BONAPARTE, à Berthier.
     
    Maudite surprise ! A peine le croit-on à mille lieues d’ici que le diable vous le renvoie dans les jambes !
     
    BERTHIER.
     
    Le diable ? Non, l’amiral anglais ! Il a lu ta lettre et ila deviné une supercherie. Tiens, voilà nos saletés, il nous les a retournées intactes et ornées d’un nouveau cachet. Nous avons proprement échoué avec ce Fourès : l’affaire tourne mal !
     
    BONAPARTE.
     
    Pour lui, mon cher, s’il continue à nous empester. J’en ai assez de son entêtement !

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