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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stefan Zweig
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par ma faute... Uniquement pour cela... Je ne suis plus digne de porter son nom.
     
    DUPUY, après un instant de silence.
     
    Eh bien, je crois que c’est là un motif suffisant, plus que suffisant ! Voulez-vous signer le procès-verbal, ici. ( Il indique l’endroit du doigt. Bellilotte s’avance chancelante vers la table. Elle prend la plume avec difficulté .) Ici, je vous en prie. ( Bellilotte s’exécute .) A vous maintenant, lieutenant Fourès !
     
    FOURÈS, sans bouger.
     
    Je pense qu’il me sera permis de réfléchir un peu à cette affaire.
     
    DUPUY.
     
    Je me demande ce qu’il peut y avoir à réfléchir pour un officier dans un cas pareil... ( Comminatoire .) Veuillez signer !

     
    FOURÈS.
     
    Si vous l’ordonnez, citoyen commandant !
     
    DUPUY.
     
    C’est votre devoir et non pas moi qui vous l’ordonne. L’affaire est assez claire — j’espère qu’en tant qu’officier vous n’avez pas de votre honneur une conception moins élevée que celle de votre femme. ( Menaçant .) Alors ? ( Fourès se jette presque sur la table, signe sans regarder personne, puis revient à sa place à reculons en tournant le dos aux autres, les mains dans son ceinturon .) Les deux témoins maintenant, s’il vous plaît ! ( Ils signent .) Voilà. Par le présent acte, au nom du général en chef, je déclare dissous le mariage du lieutenant Fourès et de son épouse Pauline. Tous deux recevront copie en bonne et due forme de ce document qui pourra être légalisé à tout moment devant les autorités civiles en France.
     
    FOURÈS, à mi-voix, ironiquement à Deschamps qui s’est placé à côté de lui  :
     
    Deschamps, demande-lui donc si je dois remercier tout particulièrement le général en chef de sa sollicitude.
     
    DESCHAMPS.
     
    Contiens-toi, Fourès ! Encore deux minutes.
     
    DUPUY fait semblant de n’avoir pas entendu la réflexion du lieutenant Fourès et ramasse ses papiers.
     
    Je vous remercie, messieurs !

    (Il quitte la pièce. Fourès, Bellilotte, Deschamps et Berthier restent.)
     
    BELLILOTTE. Pendant tout ce temps, elle a eu les regards fixés sur Fourès, à présent elle se dirige vers lui à petits pas contenus. Elle se tient maintenant juste derrière lui, attendant humblement qu’il se retourne. Il sent sa présence aux regards tendus des autres, mais ne bouge pas. Alors, dans un désespoir qui explose, Bellilotte lui parle dans le dos.
     
    Ce n’est pas de ma faute, François ! Je ne pouvais pas faire autrement, je ne le pouvais pas ! Qui donc peut se défendre contre lui, qui peut résister à sa volonté ? ( Sur un ton accusateur .) Vous tous, tant que vous êtes, tous vous n’êtes plus rien devant lui. Sur un mot de lui, vous sautez du lit et allez là où il vous commande. A vous tous, au monde entier, il impose sa volonté ! Comment aurais-je pu me défendre moi, une femme seule ? ( Criant presque .) Il faut que tu comprennes cela, François ! Pourquoi donc m’as-tu laissée seule, seule contre lui, alors que tu savais que cet homme vous brise jusqu’au dernier ressort de votre volonté, qu’il vous oblige à faire ce qu’il veut !
     
    FOURÈS lui tourne toujours le dos.
     
    Je ne t’ai pas fait de reproche !
     
    BELLILOTTE.
     
    Mais il faut que tu me comprennes, il le faut, même si tu me méprises ! Je... je ne te demande rien d’autre... je sais que tu vaux mieux que moi, que tu vaux mille fois mieux qu’une femme qui s’abandonne comme jel’ai fait, dès le premier jour. Comprends qu’on est sans défense contre lui, ce que tu sais bien, d’ailleurs.
     
    FOURÈS, sans se retourner, la voix sourde.
     
    Je comprends bien, je comprends. ( Silence. Puis durement .) Mais je sais aussi qu’un homme qui dispose si facilement des autres n’en fait pas grand cas après ! Il les rejette loin de lui, avec la même facilité. Je te le dis simplement pour que le coup ne t’éprouve pas trop... quand le moment viendra...
     
    BELLILOTTE.
     
    Je le sais, François... Je le sais... et ne me fais pas d’illusions ! Que suis-je pour lui, moi, petite femme insignifiante... je sais que cela ne durera pas, que cela ne peut pas durer. Mais que faire ? Je ne peux que subir sa volonté — comme vous tous, si nombreux que vous soyez. Je ne peux rien faire d’autre. ( Silence. Puis à voix basse .) Je te remercie, François, de n’avoir pas été dur avec moi. ( Elle fait un pas en arrière .) Je te remercie.
     
    (Fourès reste

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