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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stefan Zweig
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Consul qui nous a sauvés de ces bandits de révolutionnaires ? Contre l’homme qui nomme les sénateurs et sous lequel, Dieu soit loué, les rentes sont remontées à soixante-dix ? Il ne manquerait plus que ça !... Quel imbécile ! Au lieu d’en être fier et de la boucler, il aboie à la lune ! Et ce serait moi qui pour finir paierais les pots cassés ? Jetez-le en bas des escaliers s’il revient demain, ce triste client, ce malade du cerveau !
     
    (Après un instant de réflexion.)
     
    Mais si un autre que moi s’y laissait prendre ? On ne sait jamais... Attendez je vais lui faire passer son envie de chicaner. Donnez-moi mon pardessus, je cours vite prévenir le ministre de la police. Et mettez-le à la porte, avec le pied quelque part, n’est-ce pas, s’il revient ! Ilne manquerait plus que ça, qu’un pouilleux de lieutenant l’emportât contre Bonaparte ! ( Il met son chapeau .) Oh, mes enfants, on ne croirait jamais ce qu’il peut y avoir de fous sur terre ! Un Fourès contre Bonaparte ! Un Fourès contre Bonaparte !
     
    ( Les deux secrétaires se tordent de rire .)

     

HUITIÈME TABLEAU
    Quelques jours plus tard. Une rue de Belleville.
     
    FOURÈS, en civil, les mains croisées sur le dos, fait les cent pas devant une villa. Au bout d’un moment, venant de gauche :
     
    BELLILOTTE, qui est mise avec élégance et simplicité, s’avance rapidement vers la villa et s’apprête à en monter les quelques marches, lorsque Fourès vient se planter devant la porte. Bellilotte a un sursaut d’effroi, comme si elle voyait un revenant .
     
    François ! Tu es revenu ?
     
    FOURÈS, sur un ton cinglant.
     
    Ça en a tout l’air. ( Il la regarde durement. Bellilotte a perdu contenance : elle s’accroche à la rampe en fer, sans oser le regarder de face .)...
    On croirait que cela ne te fait pas particulièrement plaisir... Tu aurais vraisemblablement préféré que je crève de fièvre, là-bas, n’est-ce pas ? Cela eût sans doute mieux valu pour quelques gens d’ici !... Mille regrets, me voilà ! ( Bellilotte continue à trembler, les yeux baissés et n’osant souffler mot. Fourès, autoritaire .) Il faut que je te parle !

     
    BELLILOTTE, angoissée .
     
    Non, pas ici... on est tellement surveillé... toute la rue nous regarde...
     
    FOURÈS.
     
    Bon, alors entrons chez toi ! ( Il lève les yeux et contemple la villa, puis ironiquement .) Il me semble qu’il y a assez de place dans ta villa, bien plus qu’il n’y en avait dans notre cabane de Carcassonne ! Oui, bien sûr, il a le geste large avec l’argent de la République, notre nouveau seigneur et maître ! ( Redevenu autoritaire .) Allons, fais vite, ouvre la porte ! J’ai différentes choses à te communiquer !
     
    BELLILOTTE, toute honteuse.
     
    Non, cela m’est défendu ! Il m’est défendu de recevoir qui que ce soit ! Ils ne le veulent pas... j’ai dû le promettre au ministre... lui donner ma parole... ( Elle élève soudain la voix avec violence .) Et puis, même si je le voulais, je ne le pourrais pas, François... Non, j’ai trop honte devant toi... Je t’en supplie, laisse-moi, oublie-moi, tout cela n’a plus de sens maintenant... Laisse dormir cette malheureuse histoire...
     
    FOURÈS.
     
    Au contraire, je compte la mettre en mouvement, la tirer au clair aujourd’hui même ! En avant, ouvre-moi la porte !

     
    BELLILOTTE, pose un regard d’angoisse sur les mains de Fourès et crie presque.
     
    Pour l’amour du ciel, François, que veux-tu faire ?
     
    FOURÈS.
     
    A toi, rien ! N’aie pas peur ! (Plus fort.) A toi, rien ! Mais assez lanterné à présent ! Je veux savoir avec qui tu es... Avec lui ou avec moi ? (Autoritaire.) Ouvre ta porte ! J’ai assez attendu !
     
    BELLILOTTE, la voix saccadée.
     
    Je ne peux pas... je te l’ai dit... ça n’a plus aucun sens... ça ne peut plus jamais s’arranger entre nous... honnêtement... Laisse-moi, François, je t’en supplie, laisse-moi... Ne m’en veux pas, mais je ne peux pas... je ne peux pas faire autrement... pardonne-moi... je ne peux pas...
     
    (Elle entre avec précipitation dans la villa et tire vivement la porte derrière elle.)
     
    FOURÈS, reste dehors stupéfait. Au bout de quelques instants il se retourne et gagne mélancoliquement la rue. Soudain il s’arrête, se ressaisit et, d’un pas ferme et décidé, revient vers la villa, en secoue énergiquement la sonnette. Personne ne répond.

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