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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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comportement… Et, soudain, son esprit s’arrêta sur ce mot « Temple » qui venait de traverser sa pensée. D’un seul coup la voix géante qui, du fond de son rêve rétrospectif, avait proféré, contre les lys de France, une si terrible malédiction, gronda de nouveau à son oreille, accentuant l’impression de malaise qu’il avait éprouvée en apercevant le secrétaire. Qu’était donc venu faire cet anathème à l’échelle d’un royaume au milieu de la vie, apparemment sans importance, d’un soldat de fortune né dans la honte et que rien ne semblait destiner à mêler son humble fil aux broderies somptueuses des destins royaux ?…
    Il était impossible de répondre à pareille question. Et puis dans le beau soleil matinal qui dorait Paris les ombres de la nuit perdaient de leur puissance. Enfin, Gilles ne voulait, à cette heure, s’occuper que de lui-même et de celle qu’il aimait : avant tout retrouver Judith, même si elle avait choisi de s’appeler Julie, même et surtout si elle était mêlée à d’étranges et dangereux agissements… Il savait bien qu’il avait au cœur assez d’amour et assez de détermination pour l’arracher au complot dont il découvrait chaque jour un peu des méandres obscurs. Que ce complot soit éventé et, comme d’habitude, ce ne serait pas le principal coupable qui porterait la responsabilité mais bien ceux qui l’auraient aidé et qui n’avaient pas la chance d’être nés sur les marches d’un trône…
    Le jeune homme n’eut aucune peine à se faire indiquer l’hôtel de Rohan-Strasbourg où habitait le cardinal 2 . Mais ce matin la chance n’était pas avec lui : lorsqu’il arriva rue des Francs-Bourgeois, ce fut pour y apprendre que Son Éminence avait quitté Paris aux premières lueurs de l’aube sans daigner indiquer où elle se rendait. Était-ce sa terre de Coupvray, était-ce son évêché de Strasbourg ? Il fut impossible de tirer la moindre indication d’un portier obstiné à demeurer incorruptible.
    Il ne restait plus à Gilles, déçu et furieux, qu’à chercher dans une autre direction mais le Diable seul savait dans laquelle ! Fallait-il aller à Bordeaux ?… Ce Cagliostro paraissait bien trop malin pour cela…
    Mais après tout, tant qu’il savait où trouver Judith, qu’avait-il besoin de courir après le sorcier ? Il est vrai que, enfermée derrière les murs sombres du vieux palais des Médicis, elle était à peu près aussi inaccessible, aussi lointaine qu’une habitante d’une autre planète. Qu’elle y fût en danger s’il essayait de l’en arracher, cela, Gilles voulait bien le croire même si son amour s’en révoltait.
    Il commençait à comprendre que la fréquentation des grands de ce monde est plus souvent génératrice de peine et de douleur qu’une obscure existence, surtout pour les cœurs purs, et il souhaitait passionnément, à cette heure, retrouver avec Judith l’obscurité dont, adolescent, il avait tant désiré sortir.
    Jadis il avait rêvé d’emporter Judith jusqu’aux rives sauvages d’Amérique pour y recommencer une vie en fondant avec elle une nouvelle dynastie de gerfauts. À présent c’était au cœur du vallon de La Hunaudaye, à l’abri des vieilles tours que la forêt enveloppait comme un manteau, qu’il souhaitait l’emmener, loin du bruit des Cours, loin des ambitions des hommes… loin de ses propres ambitions parce qu’un jour de bonheur auprès de Judith lui semblait à présent infiniment plus précieux qu’une année entière sous les lambris dorés de Versailles…
    L’heure cependant n’était pas encore aux rêves. Affamé et désireux de faire un peu de toilette, le chevalier prit la direction de l’hôtel d’York où il était certain de trouver, auprès de Nicolas Carton, tout ce dont il pouvait avoir besoin.
    Par la place de Grève il gagna le Pont-Neuf et sa foire permanente qui avait toujours le privilège d’amuser en lui l’adolescent encore si proche.
    C’était le seul pont qui ne fût pas transformé en rue par la double rangée de maisons qui chargeait tous les autres. Celui-ci ressemblait davantage à un jardin grâce aux étalages des fleuristes et des marchands de fruits qui débordaient jusque sur la chaussée. Mais on y trouvait bien d’autres choses encore aux éventaires de plein vent : des ravaudeuses et des fripiers, des cordonniers et des marchands de rubans, des gargotiers qui mijotaient dans d’énormes marmites

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