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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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reconnu, au bord même de la tombe, par l’homme qui lui avait donné le jour, enfin l’officier des Dragons de la Reine et le vengeur désespéré de Judith, condamnée par ses misérables frères à une mort abominable.
    Les événements plus proches reparaissaient eux aussi ; des visages souriants fleurissaient la trame serrée du souvenir, des visages de femmes qui étaient ceux de Maria-Luisa, de Cayetana, de la mystérieuse comtesse dédoublant celui de Judith, celui de la Reine aussi. Des visages d’hommes surgirent aussi : le comte de Provence sortant des bois obscurs de Trianon, Fersen, avec un œil au beurre noir, et enfin l’étrange médecin italien…
    Mais à mesure que le rêve déroulait ses brumes transparentes, l’évocation se faisait pénible, douloureuse comme si une fatigue nouvelle accablait le dormeur et comme si les portes de sa mémoire s’efforçaient vainement de se refermer.
    Enfin, tout se fondit en un maelström d’éclairs et de taches colorées plongeant vers d’insondables abîmes habités par les ténèbres du temps du fond desquelles une voix s’élevait, absurde et menaçante, une voix qui criait : « Le Sceptre a frappé le Temple mais le Temple à son tour frappera le Sceptre qui tombera dans la boue et dans le sang ! Malheur aux Lys de France et à ceux qui les servent ! Malheur aux Lys de France et à ceux qui les servent ! Malheur aux Lys… »
    Et puis il n’y eut plus rien qu’une profonde eau noire, tiède et caressante au sein de laquelle Gilles se laissa porter bienheureusement, délivré…
     
    Un rayon de soleil matinal filant dans l’interstice des épais rideaux de soie rayée vint frapper les paupières du chevalier qui battirent et clignotèrent. Il se frotta les yeux, bâilla largement et, cherchant à se soulever sur un coude, se retrouva étendu de tout son long sur le tapis au pied de l’étroit canapé sur lequel il était étendu précédemment, jurant comme un diable.
    Vivement relevé, il s’étira, regarda autour de lui et constata qu’il était revenu dans la bibliothèque où la veille le médecin italien l’avait reçu. Mais il n’y avait plus aucune trace de leur souper ou même d’une présence quelconque. La pièce, à l’exception des bottes du jeune homme disposées devant un fauteuil et de son habit étalé sur le dossier du même fauteuil, était dans un ordre parfait. Aucun bruit ne se faisait entendre.
    Gilles alla tirer les rideaux, laissant le soleil inonder toutes choses. Il vit que les fenêtres donnaient sur un petit jardin mal entretenu où les églantines qui avaient remplacé les anciens rosiers couraient dans les herbes folles avec des grâces de ronces sauvages jusqu’à un mur couvert de lierre derrière lequel foisonnaient de grands arbres.
    Le bruit d’une porte qui s’ouvrait le fit se retourner et il vit apparaître une grosse femme en bonnet et tablier, armée d’un balai, d’un plumeau et d’une pelle qui, en l’apercevant, commença par pousser un cri puis lâcha d’un coup tout son attirail qui se répandit sur le sol.
    — Par tous les saints du Paradis ! Qu’est-ce que vous faites là ? Et d’abord qui vous êtes ?
    — Comment cela qui je suis ? Je ne vois pas en quoi cela vous regarde, ma bonne femme ! Voulez-vous dire à Monsieur le Comte de Cagliostro que j’aimerais le saluer avant de partir… et que je ne refuserais pas une tasse de café !
    — À qui ?
    — À votre maître, enfin ! À Monsieur de Cagliostro.
    — Mais qui c’est ça ?
    Quand il ne s’agissait pas d’une embuscade ou de son service la patience n’était pas la vertu majeure du chevalier. Il commença par enfiler ses bottes pour mieux asseoir sa dignité, réendossa son habit, rajusta sa perruque et vint se camper devant la servante qui avait, à tout hasard, ramassé son balai, peut-être dans l’intention de s’en servir contre l’intrus.
    — Essayons de nous entendre. Cette maison appartient bien au comte Ossolinski ?
    — Oui. Autant dire à un fantôme parce qu’il n’y vient jamais.
    — C’est bien possible mais vous n’ignorez pas, j’imagine, que le comte Ossolinski laisse la disposition de sa maison à son ami le comte de Cagliostro lorsque celui-ci vient à Paris ?
    — Mais encore une fois, mon gentilhomme, qui c’est celui-là ? J’en ai jamais entendu parler.
    — C’est impossible, voyons ! Le comte m’a reçu hier soir ici même… Il m’a même offert à

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