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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arrivant rue du Colombier, il les oublia vite, non dans les délices d’une cuvette d’eau chaude, d’un déjeuner substantiel et du merveilleux café de Nicolas Carton, mais par la vertu d’une lettre qui avait été portée dès l’aube et que l’hôtelier lui remit. Elle était de Boehmer et ne lui causa qu’un plaisir mitigé.
    Avec beaucoup de circonlocutions et dans un style passablement ampoulé, le joaillier de la Reine lui faisait savoir que son associé et lui-même ne pouvaient plus envisager la vente du collier hors des frontières du royaume.
    « Nous avons su d’une personne hautement autorisée qui veut bien nous honorer de sa clientèle, que Sa Majesté la Reine pourrait éprouver quelque tristesse en apprenant la vente, à qui que ce soit, d’un joyau aussi exceptionnel. Il semblerait que Sa Majesté désirât encore vivement notre collier bien qu’elle n’osât plus en faire la demande au Roi et qu’elle nous serait sans doute très reconnaissante de lui laisser, avant de conclure un autre marché, quelque temps de réflexion et d’évaluation de ses propres possibilités pour réunir la somme demandée.
    « Les désirs, même informulés, de Sa Très Gracieuse Majesté dont nous sommes les humbles serviteurs, étant pour nous des ordres, nous avons assuré notre visiteur de notre entière bonne volonté. Nous nous inclinons donc, avec quelque regret peut-être, mais Monsieur le Chevalier comprendra sans peine notre position et approuvera quand il saura que l’on a bien voulu nous promettre, en récompense, la survivance de Monsieur Aubert en tant que Joailliers de la Couronne de France quand le temps en sera venu.
    « Par le même courrier nous avisons bien entendu Monsieur le Consul Général d’Espagne de l’impossibilité où nous sommes de poursuivre avec lui le marché dont nous étions convenus.
    « Évidemment, si à la fin de ce délai moral qui s’achèvera avec l’année Sa Majesté renonçait définitivement à acquérir notre collier nous serions extrêmement heureux de pouvoir reprendre avec vous la négociation là où nous la laissons, en espérant sincèrement que Son Excellence Madame la duchesse d’Albe voudra bien consentir à prendre patience… »
    Même un imbécile notoire aurait deviné sans peine qui était la « personne hautement autorisée » grâce à laquelle Boehmer repoussait, momentanément certes, mais repoussait tout de même, une offre aussi alléchante que celle de Cayetana, alors même que ses bailleurs de fonds, tel le financier Baudard de St James, qui lui avaient permis de réaliser le collier, commençaient à souhaiter ardemment rentrer dans leur argent. Ce qui était moins facile à comprendre c’était la raison pour laquelle Monsieur, dont on disait qu’il détestait sa belle-sœur au moins autant que son frère, tenait tellement tout à coup à lui éviter le chagrin d’apprendre qu’une autre femme allait se parer d’un bijou trop cher pour elle. Mais il était pratiquement impossible d’aller discuter avec Boehmer et Bassange de ce point de psychologie princière et Gilles remit à plus tard l’examen de la question.
    Il rangea soigneusement la lettre dans la poche intérieure de son habit en se promettant d’y répondre un peu plus tard après en avoir écrit à la duchesse d’Albe et avoir rendu visite à Lecoulteux de la Noraye, son banquier, afin de lui faire part de l’état de la négociation. Après tout, Cayetana pouvait bien attendre six mois la réalisation de son ruineux désir car son mandataire ne voyait pas du tout comment la Reine que l’on disait déjà endettée et qui perdait au jeu de fortes sommes, pourrait bien arriver à réunir seize cent mille livres…
    Avant de quitter l’hôtel, Gilles s’enquit tout de même de Fersen dans l’espoir de le trouver plus disposé à entendre l’austère voix de la raison et à enterrer avec lui la hache de guerre mais il fallut y renoncer : le Suédois était parti depuis une heure avec M. de Stedingk.
    Il était grand temps pour le chevalier de rentrer à Versailles mais, à peine dans la rue, il guida tout naturellement Merlin dans la direction opposée. C’était plus fort que lui, il ne pouvait pas quitter Paris sans retourner voir un peu ce qui se passait aux alentours du palais du Luxembourg. Le désir le tenaillait d’apercevoir Judith ne fût-ce qu’un instant, ne fût-ce qu’à travers la vitre d’une fenêtre…
    Et puis on lui avait

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