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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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une inquiétante cuisine, des cireurs de bottes et des tondeurs de chiens, des charlatans qui vous arrachaient une dent au son d’une musique assourdissante ou vous vendaient des élixirs capables de guérir aussi bien de la vieillesse que des cors aux pieds. Une étonnante kermesse quotidienne.
     
    Ce matin Paris semblait de bonne humeur. L’orage de la nuit l’avait lavé de frais. Et puis, les nouvelles que les chalands descendus de Montereau dans la nuit avaient apportées étaient bonnes. Elles disaient que les récoltes seraient superbes, qu’il y aurait du pain pour tous et en abondance, que les prix n’en seraient point trop élevés…
    Tandis que le jeune homme guidait son cheval à travers le pittoresque déballage des marchands en répondant d’un sourire à l’invite d’une poissarde ou au clin d’œil d’une fille, son regard fut attiré par le plumail rouge flottant sur le chapeau d’un grand gaillard qui portait l’uniforme blanc à plastron rouge du régiment de Soissonnais. C’était un sergent recruteur et il était au travail car sa main gauche reposait sur l’épaule d’un jeune homme de seize ou dix-sept ans, tandis que dans sa main droite il faisait sauter négligemment une bourse de cuir qui semblait confortablement garnie.
    La voix sonore de l’homme s’entendait de loin mais ce qu’il disait n’intéressait personne car lui et ses pareils n’étaient pas rares sur le pont et, en outre, n’importe quel Parisien un peu au fait des choses aurait pu débiter son boniment sur la gloire et le plaisir que l’on trouvait à servir le Roi, sur l’élégance de l’uniforme, son pouvoir sur les filles, l’excellence de la cuisine des armées et les hauteurs extravagantes de la paie. Mais le jeune garçon pour lequel le sergent se mettait ainsi en frais ne semblait pas disposé à se laisser convaincre. Il secouait la tête avec un sourire gêné, faisant des efforts timides pour échapper à la lourde patte rivée à son épaule. Gilles l’entendit balbutier :
    — J’aimerais bien, monsieur le sergent, mais je ne peux pas… Il faut que je m’occupe de ma sœur. Elle n’a que moi au monde et vous voyez bien qu’elle est infirme.
    En effet, accrochée à l’autre bras du jeune homme, une fillette de quatorze ou quinze ans suivait avec des yeux pleins d’angoisse le dialogue des deux hommes. Elle avait un visage doux, assez joli mais trop pâle, une épaule plus haute que l’autre et elle boitait visiblement.
    — Tu t’occuperas bien mieux d’elle quand tu lui enverras une partie de ta solde. Elle pourra rester tranquillement chez elle, peut-être même avoir une servante… T’as pas idée de tout ce que tu pourras arriver à gagner avec nous ! Qu’est-ce que c’est ton métier ?
    — Mon métier ? J’en ai pas… Je gagne ma vie et la sienne en faisant le portefaix…
    — Et tu fais la fine bouche ? Sacré tonnerre, mon garçon, le fourniment du soldat en campagne est deux fois moins lourd qu’une bille de bois ou un sac de sable. Tu peux dire que t’as une vraie chance de m’avoir rencontré ! Tiens, on va aller boire un pot au cabaret, c’est moi qui régale. Et puis tu me signeras un papier…
    La fillette se mit à pleurer, tirant son frère par la manche.
    — L’écoute pas, Gildas ! Il veut nous séparer ! Viens ! Allons-nous-en !… Je t’en supplie !
    — Tu ne sais pas ce que tu dis, la fille ! Je te dis moi que c’est pour son bien… et pour le tien ! Allons, laisse-le ! Vous me remercierez plus tard !
    D’une bourrade il repoussa la fillette qui trébucha et tomba sur le bord du trottoir avec un cri de douleur. En même temps il faisait un signe à deux de ses hommes qui se tenaient aux aguets un peu plus loin puis empoignait solidement le jeune homme qui se jetait déjà au secours de sa sœur.
    — Ça a assez duré ! Tiens-toi tranquille…
    — Cela a assez duré, en effet ! Lâchez cet homme ! ordonna sèchement Tournemine qui avait interposé le large poitrail de Merlin entre le sergent et ses hommes.
    Le racoleur grimaça un sourire.
    — Y a aucune raison, mon lieutenant ! Ce garçon ne demande pas mieux que servir le Roi… Le tout est de s’entendre.
    — C’est pas vrai ! s’écria le garçon qui reprenait visiblement courage devant ce secours inattendu. Ça fait une heure que je lui dis que je ne veux pas m’enrôler… à cause de ma sœur. Je vous en prie, Monsieur l’officier, dites-lui de

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