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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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défection. Mme de Polignac, peut-être lasse, demanda la permission de rentrer, fit la révérence et s’éloigna au bras de son mari. Marie-Antoinette prit celui de Mlle Dorvat et tout le groupe suivit le secrétaire qui repartait vers l’épaisseur obscure du parc. Gilles s’élança sans hésiter sur leurs traces marchant dans l’herbe pour étouffer le bruit de ses pas. De toute évidence la Reine n’allait pas à Trianon. Mais alors où allait-elle ainsi à la suite d’un personnage si étroitement lié à une aventurière ?
    Le cortège descendit jusqu’à l’Allée de l’Automne, contourna le Bosquet de la Salle de Bal et s’enfonça dans l’ancien Labyrinthe de Louis XIV que l’on avait redessiné, replanté d’une foule d’arbres aux essences rares et rebaptisé Bosquet de Vénus 1 .
    C’était un endroit frais et obscur, situé en contrebas des murs soutenant le gigantesque Escalier des Cent Marches et bien protégé des regards curieux par plusieurs rangs de charmilles étayées par des treillages de bois et délimitant des allées circulaires.
    Le regard de Gilles n’avait aucune peine à suivre les robes claires de la Reine et de ses dames dans cette obscurité. Une fois dans le Bosquet, ce fut un jeu, en passant de l’autre côté d’une charmille, de s’en approcher suffisamment.
    Le groupe était à présent arrêté entre deux frêles murailles vertes embaumées par le parfum des acacias et des tulipiers de Virginie. Aucun bruit ne se faisait entendre. La Reine et ses amis observaient un profond silence. Mais soudain, la silhouette sombre d’une femme apparut qui plongea dans une révérence.
    — Eh bien, comtesse ! chuchota la Reine, est-ce prêt ?
    — Tout à fait prêt, Madame, répondit l’arrivante qui n’était autre que Madame de La Motte. Si Votre Majesté veut bien jeter un regard à travers les feuilles, elle pourra apercevoir la femme. Quant à lui, on l’amène dans un moment.
    — Est-ce qu’elle me ressemble beaucoup ?
    — Votre Majesté jugera…
    « Apparemment, pensa Gilles, il s’agit là d’une scène intéressante que l’on va jouer au milieu du Bosquet ! Il serait bon que je puisse, moi aussi, applaudir les acteurs…
    Et, silencieusement, il franchit l’une des portes percées dans le feuillage pour mettre en communication les différentes allées mais en s’éloignant suffisamment du groupe royal pour n’en être pas vu. Enfin, à son tour, il s’approcha de la charmille dont il écarta les branches avec mille précautions.
    Ce qu’il vit le plongea dans un étonnement sans limites.
    Au milieu du Bosquet une femme était debout, une rose à la main. Elle était grande, élancée, toute blanche. À cet instant, un mince quartier de lune sortant de derrière un nuage l’éclaira faiblement mais suffisamment pour qu’il fût possible à des yeux perçants de voir qu’elle ressemblait beaucoup à la Reine et qu’elle était vêtue exactement comme elle.
    Cette femme semblait nerveuse. De l’observatoire où il se cachait, Gilles pouvait l’entendre respirer. Elle avait peine à rester en place et faisait, de temps en temps, quelques pas hésitants. Soudain, la comtesse, qu’il était malaisé de reconnaître parce qu’elle portait un domino noir, reparut accompagnée d’un homme vêtu de noir, lui aussi, d’une sorte de lévite fermée jusqu’au cou et les traits dissimulés sous un chapeau à large bord.
    Mme de La Motte lui désigna la fausse Reine. L’homme recula comme si une balle venait de le frapper et porta sa main à sa poitrine. Puis, ôtant son chapeau pour se courber en un salut si profond qu’il était presque agenouillé, il s’avança ensuite d’un pas d’automate jusqu’à la blanche silhouette devant laquelle, comme si ses forces venaient de l’abandonner brusquement, il tomba lourdement à genoux avant de se prosterner comme devant une divinité. Gilles l’entendit murmurer avec un sanglot dans la voix :
    — Oh Madame, Madame !… Enfin Votre Majesté veut bien pardonner ?…
    Or, cet homme, c’était celui que le chevalier avait vu chez Cagliostro par la fente d’une porte. Cet homme qui se prosternait devant une femme, c’était un prêtre. C’était même le Grand Aumônier de France, le cardinal Louis de Rohan.
    Avec stupeur, il le vit étreindre les pieds du fantôme royal, y poser ses lèvres cependant que celui-ci laissait tomber sur lui la rose qu’il tenait à la main et

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