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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Garde du Corps, les couleurs affligeantes du cauchemar. Tandis que, réfugiée au fond de son lit assiégé par les médecins, les moines et les vieilles duchesses, Maria-Luisa jouait à la malade et s’évadait dans un sommeil aussi prolongé que possible où elle puisait des forces nouvelles, les journées de Gilles prenaient un rythme accablant.
    En dehors de ses heures de service, il devait demeurer confiné dans son appartement en compagnie de Pongo ou bien il errait dans l’immense parc, sans aucune possibilité de s’éloigner, même une journée, d’Aranjuez. Terrifiée à l’idée qu’il pourrait ne pas rentrer à temps pour la rejoindre, la princesse des Asturies le lui avait formellement interdit. Il devait, comme elle le disait romantiquement, « passer ses jours dans l’attente des délices de la nuit… ».
    Et puis, chaque nuit, dans le petit pavillon au bord du Tage où il devait attendre dans une obscurité totale, la même scène se renouvelait, identique : la porte bien huilée s’ouvrait sans un bruit pour livrer passage à la noire silhouette d’une femme vêtue comme une camériste puis se refermait.
    — Tu es là ? soufflait une voix prudente.
    — Oui…
    Il y avait un bruit d’étoffes froissées et, l’instant suivant, Maria-Luisa déjà délirante et complètement nue s’abattait dans ses bras pour l’entraîner avec elle au plus fort d’une incroyable tempête sensuelle dont il sortait, chaque matin, un peu plus las, moralement tout au moins car, sur le plan physique, sa vigoureuse constitution et son exigeante virilité en faisaient un partenaire à la hauteur des désirs de sa royale maîtresse.
    Mais il se prenait peu à peu à la détester pour cette faim inapaisable qu’elle avait de lui. La pitié du premier soir s’était éteinte devant l’égoïsme de cette femme qui, sans se soucier un seul instant de la vie qu’il menait en dehors d’elle, savait déployer pour parvenir à ses fins une science amoureuse que lui aurait enviée une prostituée gitane. Il y avait de la mante religieuse chez Maria-Luisa. Avec elle, Gilles pénétrait dans une sorte d’enfer où il avait parfois l’impression qu’il ne lui serait jamais possible de remonter à la lumière. Leurs étreintes se muaient peu à peu en combats furieux, sans merci, chacun d’eux semblant chercher à éteindre toute l’ardeur de l’autre. Et Gilles n’était pas sans inquiétude sur la façon dont tout cela se terminerait.
    Un matin, alors qu’il rentrait chez lui après la revue que venait de passer le colonel-duc, Pongo lui tendit une lettre qui venait d’arriver.
    — Vient de Madrid ! dit-il seulement. (Puis, voyant que le jeune homme jetait la lettre sur une table sans même l’ouvrir :) Pongo croit toi devrais lire ! Peut-être important…
    — Cela peut sûrement attendre ! Ce doit être Jean de Batz qui m’annonce qu’il a gagné au jeu… ou perdu… et j’ai un affreux mal de tête !
    — Mal de tête passera, fit Pongo en obligeant son maître à s’asseoir et en commençant à lui malaxer le crâne à deux mains. Et l’écriture pas celle de ton ami…
    Gilles reprit la lettre. L’Indien avait raison. Batz n’y était pour rien. Elle était de Goya et ne contenait que quelques mots.
    « Où est ta prudence, amigo ? Les aveugles de la Plaza Mayor parlent depuis deux jours du nouvel amour d’une certaine dame. Prends garde ! La mort est un serpent qui se cache aisément sous les fleurs. Et puis, tu as oublié que tu devais venir me demander à souper. Viens-tu ?… »
    La mise en garde du peintre était sérieuse. Gilles décida d’en tenir compte.
    — Quel jour sommes-nous ? demanda-t-il à Pongo.
    — Le 13.
    — Déjà ?… Tu as bien fait de m’obliger à lire cette lettre. Elle est, en effet, importante.
    Tandis que Pongo achevait son massage, Gilles songeait que le surlendemain avait lieu la Pradera de San Isidro, qu’il avait promis à Thérésia de l’y emmener, que la fillette serait cruellement déçue s’il lui manquait de parole… et que, tout compte fait, il avait vraiment très envie d’aller à la fête ! D’abord parce qu’il aimait bien Thérésia et qu’elle était trop charmante pour être déçue. Ensuite parce que la belle maja dont l’image revenait depuis quelques jours occuper son souvenir plus que de raison ne pouvait décemment pas manquer la plus grande fête de l’année…
    Sa première idée fut de laisser

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