Un collier pour le diable
roucoula-t-elle, la respiration soudain écourtée. Votre mère doit être une femme de goût, chevalier… Mais… est-ce que vous n’avez pas trop chaud, vous aussi ?… ces draps d’uniforme sont intolérablement épais ! Ôtez votre veste un moment… vous vous sentirez mieux après…
Pour étrange que fût cet ordre, ce n’en était pas moins un et il en sous-entendait un autre que l’on ne formulerait peut-être pas. Tout en s’exécutant, Gilles songea qu’il allait falloir pour l’honneur de son nom et de son pays accomplir un exploit peu ordinaire : faire l’amour à une femme dont il n’avait pas envie. Mais le corps de cette femme, après tout, semblait assez agréable pour que l’envie lui vienne car, aux jeux de l’amour, il n’avait jamais eu besoin d’encouragements…
Avant que Maria-Luisa ait pu seulement émettre un son, il l’enleva de terre, l’emporta jusqu’au lit où il la jeta sans trop de ménagement, empoigna à deux mains la chemise de nuit, qu’il déchira tout du long sans le moindre respect pour les précieuses dentelles de Malines qui l’ornaient et, se coulant contre la princesse, il l’enlaça d’un bras tout en commençant à caresser son corps ainsi dénudé. Mais le désir qui secouait Maria-Luisa n’avait pas besoin d’être excité. Elle s’enroula autour de lui comme un liseron et colla sa bouche à la sienne avec tant d’ardeur que leurs dents s’entrechoquèrent.
Il eut l’impression qu’une pieuvre aspirait son souffle mais les lèvres de la princesse étaient habiles et son propre corps s’enflamma brusquement. Il voulut s’écarter d’elle un instant pour achever de se dévêtir mais elle le retint avec une incroyable force nerveuse et râla contre sa bouche.
— Garde tes bottes !… J’ai toujours rêvé d’être violée par un soudard dans le sac d’une ville…
Avant de tout oublier dans les jeux furieux de la chair, Gilles se surprit à penser que les rêves des princesses présentaient parfois des aspects bien inattendus…
Le « sac de la ville » dura trois bonnes heures. Trois heures qui furent sans doute les plus épuisantes que le Breton eût jamais vécues. C’était la première fois qu’il avait affaire à une nymphomane et force lui était de constater que l’appétit de Maria-Luisa une fois éveillé, elle était parfaitement insatiable.
La réputation française n’en sortit pas moins intacte et même magnifiée, et lorsque enfin le nouvel amant de la princesse reçut l’autorisation de regagner son antichambre, Maria-Luisa épanouie et radieuse murmura, en s’étirant dans le lit ravagé comme une chatte heureuse :
— Comme tu ne seras pas de garde la nuit prochaine, tu n’as qu’à m’attendre à minuit au pavillon du jardin de la Isla. Je t’y rejoindrai.
— À minuit ? C’est impossible ! Comment sortirez-vous ? On vous enferme. En outre le Prince votre époux peut décider de vous rejoindre. Enfin, le pavillon est assez loin du palais…
Maria-Luisa se mit à rire :
— C’est bien pour cela que je l’ai choisi. Quant à tes autres objections, écoute bien : d’abord, je dors seule quand je le veux. Ensuite mes duègnes ont le meilleur sommeil de toutes les Espagnes grâce à Fiametta qui y veille. Elle m’est dévouée corps et âme car elle m’a suivie depuis Parme où son père est apothicaire. Va vite, maintenant, et surtout n’écoute pas les bruits de la Cour : ce soir je serai malade… les soirs suivants aussi d’ailleurs ! Mon époux craint la maladie comme le feu !…
Gilles allait sortir quand elle sauta à bas du lit, le rattrapa, jeta ses bras autour de son cou et se plaquant à lui de tout son corps, l’embrassa une dernière fois avec voracité.
— N’oublie pas ! Ce soir, minuit ! Pas une seconde de plus. Cela va déjà être si affreusement long !
Gilles quitta cette chambre trop chaude comme on se sauve. Il retrouva Fiametta et son antichambre avec une sorte de soulagement. Il y régnait un silence apaisant, délicieux, après les grondements de lionne en folie dont Maria-Luisa avait empli ses oreilles. Son seul regret était de ne pouvoir allumer une bonne pipe, l’usage du tabac étant formellement interdit durant les heures de garde. Il se consola en s’installant aussi commodément que possible pour achever une nuit somme toute plus agréable qu’il ne l’aurait imaginé.
Mais les jours qui suivirent prirent peu à peu, pour le jeune
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