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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arrondie. Tu présenteras mes excuses à ton maître et tu lui remettras ceci. J’espère qu’il jugera le paiement suffisant. Et maintenant en route !…
    Suivie de Gilles qui faisait de son mieux pour ne pas s’empêtrer dans ses jupes et de Micaela portant le tableau qu’elle remit à un valet, la duchesse d’Albe remonta dans sa voiture. Le passage sous le grand soleil au milieu d’une véritable foule représenta pour Gilles une épreuve assez redoutable ; aussi fut-ce avec un profond soupir de satisfaction qu’il prit place dans l’ombre de la voiture et s’enfonça dans les profonds coussins de velours.
    À travers les vitres, il pouvait apercevoir toute une frise de visages curieux aux regards avides ; des gosses en guenilles, des femmes en mantilles, pas très propres, pas très neuves mais des mantilles tout de même pour la messe de ce jour de fête. Un bariolage de couleurs violentes sur fond de murs aveuglants, de ciel outremer et de soleil radieux. Et puis, là-bas, dans l’ombre froide d’un auvent, la robe noire d’un moine faisant pendant aux silhouettes sinistres de deux alguazils en faction : l’Inquisition et la police, un condensé vivant de la menace qui pesait sur le fugitif. Comme s’ils avaient été créés juste pour la circonstance, le capuchon du moine encadrait un visage maigre, blême, où s’ouvraient, comme des meurtrières, des yeux étroits de fanatique. Quant aux soudards, ils avaient bien l’air de ce qu’ils étaient : deux brutes bornées envahies par la conscience de leur pouvoir comme par une mauvaise graisse.
    Le fastueux équipage de la duchesse d’Albe sembla leur donner à penser, ce qui ne devait pas être facile. Inquiet, Gilles les vit s’ébranler, marcher du pas pesant du Destin vers la voiture, écartant brutalement la foule à coups de fourreau de sabre, peut-être d’ailleurs simplement pour offrir des hommages, des services obséquieux. Mais Cayetana les avait vus, elle aussi. Son cocher reçut un ordre bref et aussitôt se pencha, pêcha sous son siège un sac pesant qu’il ouvrit et dans lequel il plongea une main grosse comme un petit jambon. Cette main s’ouvrit au bout d’un geste large de semeur et une poignée de pièces d’or s’abattit sur la foule, saluée par un grondement de fauves.
    — Son Excellence Madame la Duchesse d’Albe vous invite à fêter en son nom le grand San Isidro. Elle regrette de devoir quitter Madrid en ce jour béni et vous demande de prier pour elle et pour sa maison. Que Dieu et San Isidro vous gardent tous ! brailla-t-il à pleins poumons.
    Un nouveau rugissement lui répondit et la foule, comme la mer à l’assaut d’une plage, se rua sur les pièces qui roulaient de tous côtés. D’autres poignées suivirent, judicieusement répandues de part et d’autre de la voiture afin de laisser autant que possible un chemin libre et cela jusqu’à ce que le sac se trouvât vide. Les hommes de police se jetèrent eux aussi à la curée et le moine lui-même, abandonnant pour un instant les hauteurs où planait son regard vide, l’abaissa jusqu’à la poussière de la rue juste à temps pour arrêter adroitement de sa sandale deux pièces qui avaient roulé jusqu’à lui. Tous, acharnés à leur récolte, avaient oublié la voiture qui s’ébranla doucement et commença à cahoter le long de la rue en pente.
    Sans quitter la pose d’idole inaccessible qu’elle avait adoptée pendant que son cocher déchaînait sa pluie d’or, Cayetana laissa glisser vers la fausse duègne un sourire moqueur.
    — Il y a des précautions qui sont bonnes à prendre, murmura-t-elle. Quelque chose me disait que nous tomberions sur des imbéciles décidés à faire du zèle… et contre la bêtise, l’or est le seul remède.
    — Disons que vos précautions sont fabuleuses, ma chère. Vous avez jeté aux quatre vents une petite fortune.
    Elle haussa les épaules avec insouciance.
    — Qu’est-ce que l’or ? Les anciens Aztèques l’appelaient l’excrément des Dieux. Ces malheureux n’en voient jamais et moi j’en ai trop. Et puis je dois soutenir ma réputation d’excentricité.
    Doucement, Gilles prit la main gantée de blanc qui reposait auprès de lui sur le drap pourpre de la robe, fit glisser légèrement le gant pour trouver la peau et y colla ses lèvres avec une sorte de dévotion reconnaissante. La duchesse, alors, se tourna vers lui, l’enveloppant de son regard étincelant de

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