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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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accepta cette main, descendit avec sa grâce habituelle, souriante mais assez distante, cependant que Gilles, empêtré dans son personnage, baissait fébrilement ses coiffes et faisait toute une affaire de quitter à son tour l’ombre de la voiture. Il était partagé entre la satisfaction de cette occasion que le sort lui procurait de revoir son ami et la crainte de l’entendre éclater de rire. Heureusement, un coup d’œil circulaire lui apprit que Batz n’était pas en vue.
    Un peu rassuré, il traversa le groupe chamarré des officiers, gagna la voûte de l’auberge en suivant la robe de Cayetana qui ondulait comme une couleuvre sur les gros pavés ronds, s’engagea dans la porte de la grande salle… et reçut de plein fouet un personnage qui sortait en courant et qui lui écrasa un pied.
    — Quel fichu maladroit ! gronda-t-il furieux et s’apercevant trop tard qu’il avait parlé français.
    L’autre se retourna, saisi… c’était Jean de Batz. Son regard, d’abord sans expression, accrocha la fausse duègne et, brusquement se figea, s’arrondit sur un haut-le-corps. Gilles, alors, grimaça un sourire accompagné d’un clin d’œil puis, ramassant ses jupes, se précipita dans l’escalier à la suite de la duchesse, pas assez vite cependant pour ne pas entendre le hoquet dont Jean accompagnait sa sortie. Mais le plus dur était fait, et en outre il savait son ami pourvu de trop d’esprit pour ne pas jouer le jeu. Très certainement, il imaginerait une aventure amoureuse avec l’inflammable duchesse et saurait se montrer discret.
    Dans la chambre que l’on débarrassait hâtivement pour elle en attendant que ses serviteurs en prissent possession, Cayetana recevait les dernières salutations de San Esteban qui faisait visiblement tous ses efforts pour obtenir une invitation à souper en échange de sa courtoisie mais allait devoir se contenter d’un remerciement gracieux et d’un :
    — Je vous suis tellement reconnaissante, Don Ignacio ! Votre courtoisie m’est d’un si grand secours ! Voyez-vous, je me rends à Luchon pour ma santé mais ce voyage m’éprouve affreusement ! Je ne sais ce que je serais devenue sans vous…
    L’hidalgo se cassa en deux, rouge d’orgueil.
    — Notre honneur à tous n’aurait pas résisté à une mauvaise nuit de la duchesse d’Albe ! Déjà, cette auberge est tout à fait indigne d’elle !
    Cayetana baissa les yeux, soudain confite de dévotion.
    — La pénitence est salutaire quand on veut obtenir du Ciel la guérison ! Je vous souhaite la bonne nuit, Don Ignacio.
    L’officier salua de nouveau, marchant à pas comptés vers la porte en homme qui espère de tout son cœur et contre toute logique d’ailleurs qu’on le rappellera. Ce fut d’ailleurs ce qui se produisit mais pas comme il l’attendait.
    — Don Ignacio !
    — Excellence ?
    — N’avez-vous pas un Français dans votre régiment ? Un Gascon à ce que l’on m’a dit. Un certain… baron de Batz ?
    — Si fait, mais…
    — Mon époux l’a rencontré plusieurs fois et il connaît bien, à ce que l’on prétend, ces Pyrénées sauvages où je me rends pour y prendre les eaux. Puisque le hasard le met sur mon chemin, voulez-vous lui dire que je désire m’entretenir avec lui quelques instants ?
    La commission visiblement ne plaisait guère à don Ignacio.
    — Un tel honneur ! Pour ce petit gentilhomme… Mais…
    Le ton de Cayetana se fit alors d’une inquiétante douceur.
    — Mes amis ne discutent jamais mes désirs, Don Ignacio. C’est, d’habitude, à qui les réalisera le plus vite.
    Don Ignacio sortit, dompté…
    — C’est bien ce que tu voulais, n’est-ce pas ? murmura Cayetana dès que la porte se fut refermée sur le colonel.
    — Vous êtes la femme la plus étonnante qui soit au monde, déclara-t-il tout en se débarrassant hâtivement de sa défroque de duègne sous laquelle il ne souhaitait pas que son ami puisse le contempler une seconde fois.
    Quelques instants plus tard, Jean de Batz, sanglé dans son uniforme jaune canari, le bonnet de police à flamme garni de cuir sur l’oreille, franchissait le seuil de la pièce et offrait à la duchesse d’Albe un salut dont se fût contentée une reine. Mais ses vifs yeux noirs, une fois rendu à la jolie femme l’hommage admiratif naturel à tout Français digne de ce nom, allèrent discrètement explorer les profondeurs de la chambre et singulièrement les rideaux du lit, cherchant

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