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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de deux ou trois voitures de moindre importance pour les domestiques, le tout attelé de chevaux portant tous un haut plumet sur la tête et de joyeuses sonnailles. Plusieurs postillons venaient devant traçant la route aux cochers imposants dans leurs manteaux à triple collet revêtus malgré la chaleur. Des laquais s’accrochaient aux ressorts de la berline et, enfin, après une escouade de piqueurs à cheval, venait tout un cortège de mules encore plus tintinnabulantes que les chevaux, portant des coffres de cuir ou des ballots : tout le petit matériel de voyage d’une grande dame en déplacement.
    Le tout s’arrêta devant la maison de Goya dont le heurtoir fut vigoureusement agité. L’instant suivant, Micaela, débordante d’humilité, vint offrir une révérence presque agenouillée à Sa Grandeur la duchesse d’Albe qui, vêtue d’un fort élégant costume de voyage et coiffée d’un chapeau tellement empanaché qu’il en devenait presque une provocation, effectuait une entrée bien dans sa manière, c’est-à-dire tumultueuse, à laquelle participait, beaucoup plus silencieusement, une longue duègne maigre empaquetée d’épais voiles noirs.
    Pour l’édification du petit attroupement qui se formait autour de son équipage, la duchesse cria très fort que, se rendant à sa villa de San Lucar de Barrameda, elle venait chercher le tableau qu’elle avait acheté la veille au señor Goya, tableau qu’elle destinait justement à ladite villa. Elle ajouta qu’elle serait aussi reconnaissante au señor Goya de lui prêter un cheval car l’un de ceux de son attelage venait de se déferrer et la hâte qu’elle avait de poursuivre son voyage ne lui permettait pas de rentrer au palais.
    En résultat de quoi, tandis qu’elle pénétrait dans la maison, l’un de ses valets échangeait un des chevaux de l’attelage contre Merlin en personne…
    L’instant suivant, et sans se soucier le moins du monde de la présence de la duègne, elle tombait dans les bras de Gilles qu’elle étreignait rapidement mais ardemment.
    — Nous avons peu de temps, murmura-t-elle contre sa bouche. Vite, déshabille-toi !
    Il la considéra avec effarement
    — Que je me… Êtes-vous folle ? Maintenant ?…
    Elle eut un rire joyeux, clair comme une fontaine.
    — Pas pour ce que tu crois, nigaud ! Voici ma plus fidèle servante, Doña Concepción ! Elle a veillé sur mon enfance et elle a toute ma confiance. Tu vas prendre ses vêtements… et sa place à mes côtés dans ma voiture. Par bonheur elle est grande et, même si cela ne te va pas très bien, personne n’aura l’idée de te chercher sous les habits d’une respectable duègne. D’autant plus que nous ne sommes pas censés nous être jamais rencontrés. Fais vite. L’agitation de la Pradera relâche un peu la surveillance aux portes. Nous passerons sans encombre et ce soir tu seras loin.
    Incontestablement Cayetana avait trouvé là un excellent moyen. Sans protester, Gilles commença à se dévêtir tandis que, derrière un paravent, Doña Concepción en faisait autant sans perdre un pouce de sa dignité. Le paravent était d’ailleurs parfaitement superflu car elle portait d’autres vêtements, ceux d’une femme du peuple, sous les siens.
    — À la nuit tombée, expliquait la duchesse, Concepción regagnera le palais sans attirer l’attention de personne.
    Avec l’aide des deux femmes, Gilles revêtit la longue et large robe noire, les colliers de jais, les coiffes de dentelle qui retombaient jusque sur sa figure et l’ample cape à capuchon qui devait envelopper le tout. Pour plus de sûreté, Cayetana lui noircit les sourcils, posa un pied de rouge sur ses joues afin de lui donner l’aspect de bois peint qui était celui de Concepción. Après quoi, elle prit du recul pour juger de l’effet.
    — Ce n’est pas mal du tout, fit-elle avec satisfaction. Les coiffes font merveille et cachent suffisamment ton visage. Maintenant, le tableau…
    — Mon serviteur, coupa Gilles. Qu’est-il devenu ?
    Occupée à examiner les toiles restées contre le mur, la duchesse répondit sans se retourner :
    — Il est dans le coffre à victuailles de ma voiture. Nous l’en sortirons quand nous serons assez loin. Je crois que celui-ci fera l’affaire, ajouta-t-elle en brandissant une scène de rue, représentant des mendiants à la porte d’une église. Tiens, fit-elle à l’adresse de Micaela en lui lançant une bourse généreusement

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