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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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malice.
    — Ce soir… et les autres soirs, dit-elle, il faudra que Doña Concepción, comme elle en a l’habitude en voyage, partage ma chambre. J’avoue que je n’avais encore jamais imaginé jusqu’à présent qu’il m’arriverait de trouver follement amusant de faire l’amour avec une duègne…
    Pour toute réponse, Gilles baissa légèrement la vitre de la voiture. Il avait terriblement chaud tout à coup…
    Les portes furent franchies, non seulement sans incident mais avec les honneurs militaires. Les armes de la famille d’Albe étaient presque aussi célèbres et aussi respectées que celles du Roi en personne. Les sentinelles leur présentèrent les leurs, gracieuseté dont ils furent remerciés par le rayonnant sourire que la duchesse mit à la portière. Quant à la duègne, elle était prise d’une quinte de toux qui la faisait râler dans son grand mouchoir.
    La quinte dura tant que l’on passa, au ralenti, le pont de Tolède envahi d’un charroi intense par ceux de la campagne qui accouraient en foule pour prendre part à la Pradera. À l’abri derrière son mouchoir, Gilles put apercevoir les rives du Manzanarès transformées pour la circonstance. Les vertes prairies riveraines montraient une étonnante éruption de baraques de plein vent qui avaient poussé pendant la nuit : débits de boissons, pâtisseries improvisées déjà assiégées par des nuages de mouches, petits marchands de pacotilles où les images du saint se mêlaient à des herbes guérisseuses, Gitanes prestes à saisir au vol une main vite transformée en livre de lecture, roulant des hanches dans leurs jupes volantées, un œil guettant les éventuelles robes monastiques, danseurs aux jambes agiles tournoyant autour d’un guitariste dans le claquement rythmé des castagnettes : un étonnant mélange de kermesse et de carnaval coulant entre les tentes de toile blanche qui ressemblaient à du linge mis à sécher sur la berge. Tout à l’heure, après la messe, viendraient les équipages débordant de toilettes claires, les majas scintillantes, les gentilshommes et les jolies filles de la Société. Et Gilles, avec un soupir, regarda filer à son côté, le pont franchi, le chemin qui menait à Carabanchel : il allait, pour la première fois, manquer à sa parole et Thérésia, sans doute, à cette heure, devait le vouer à tous les diables si les bruits publics n’étaient pas venus jusqu’à elle. Reverrait-il jamais la gentille fille des Cabarrus qui lui avait voué une si puérile admiration ?
    — Regrettez-vous tellement de quitter Madrid ? dit Cayetana, qui avait entendu le soupir. Ou bien est-ce la fête que nous manquerons tous les deux ?
    — L’un et l’autre peut-être ! Mon séjour en Espagne, que j’espérais plus long, se solde par un échec. Aucun homme n’aime à perdre…
    — Aucune femme non plus ! Mais ne vous désolez pas : vous reviendrez. Le Roi ne sera pas éternel. Un jour, votre amie Maria-Luisa sera reine et… et je crois que nous pouvons maintenant délivrer momentanément votre serviteur, ajouta-t-elle en se penchant pour soulever le couvercle du coffre à vivres placé devant elle où Pongo, pourpre de chaleur, attendait avec une impassibilité toute indienne.
    Les chevaux, en effet, avaient pris le grand trot, s’élançant sur la route de Tolède où l’on bifurquerait bientôt vers Talavera pour, de là, remonter au nord en tournant la capitale. Madrid, toute blanche sous ses carillons de fête, s’estompait dans la brume dorée d’un beau jour de printemps.
    Résigné à subir son destin, Gilles s’arrangea de son mieux de ses voiles et s’accota pour faire semblant de dormir… ne fût-ce que pour ne plus voir les yeux ronds de Pongo. Mis brutalement en présence de l’étonnante transformation de son maître, l’Iroquois qui savait endurer la torture sans perdre un pouce de son impassibilité, faisait visiblement des efforts énergiques pour étouffer une folle envie de rire…

CHAPITRE IV
    L’AUBERGE DE FONTARABIE
    Ce fut un étrange voyage, un voyage dont le chevalier de Tournemine devait garder un souvenir à la fois ému et agacé. Il abominait cette défroque de vieille femme dans laquelle on l’avait introduit et qui, cependant, était sa sauvegarde. Il brûlait d’envie de la jeter aux orties mais, alors même que l’on traversait les plateaux les plus désertiques de la vieille Castille, Cayetana s’y opposait si vigoureusement qu’il en

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