Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
brodée et le foulard rouge noué autour de sa tête, fumait majestueusement un long cigare noir, en laissant peser un regard d’empereur sur le tumulte de la place.
    Un grand concours de peuple s’y agitait autour d’un théâtre en plein vent que l’on construisait devant l’ancien palais des Rois Catholiques. On travaillait d’ailleurs en musique car trois guitaristes grattaient leurs instruments tandis qu’une troupe d’hommes et de femmes en costumes bariolés participait joyeusement à l’édification des tréteaux.
    — Je ne songe pas un seul instant à y demeurer plus de quelques heures. Avant l’aube de demain, Doña Cayetana, je prendrai pied sur le sol de France. Je vous en donne ma parole !
    — Comment ferez-vous ?
    Tournemine désigna la Bidassoa. L’eau coulait bleue, rapide entre ses berges encombrées de roseaux, encadrant la petite île des Faisans, puis elle s’élargissait, s’évasait en un large estuaire où les vagues formaient, au loin, une légère frange d’écume à l’endroit de la barre.
    — Ce n’est que de l’eau, dit-il tranquillement, et moi je suis breton, c’est-à-dire à peu près amphibie. Pongo nage comme le castor, son totem, et Merlin, mon cheval, s’arrange à merveille de l’élément liquide…
    — Êtes-vous fou ? Il y a bien un quart de lieue entre la pointe de Fontarabie et la rive française.
    — Dans mon pays, et dans ce même océan, il m’est souvent arrivé de nager deux lieues. Croyez-moi, j’en viendrai à bout sans peine. Mais peut-être sera-t-il plus difficile de sortir de cette ville, si les portes sont gardées la nuit.
    — Pour cela, soyez en repos. Les murailles sont vieilles, elles ont beaucoup souffert lors du siège de 1719 et nul n’a songé à les réparer. Quant à une garde, pour quoi faire ? La France et l’Espagne ne sont-elles pas liées par le Pacte de Famille ? Fontarabie n’a plus d’ennemis…, par contre, peut-être y a-t-il des patrouilles le long du fleuve.
    — Des comédiens ambulants ! soupira Cayetana changeant de sujet comme cela lui arrivait fréquemment. Il ne nous manquait plus que cela !
    — Vous devriez les bénir, répondit Gilles. Je pourrai traverser l’eau tranquillement pendant la représentation. Toute la ville sera sur la place…
    L’aubergiste y était déjà. L’arrivée de la cavalcade de la duchesse d’Albe le jeta dans un désespoir bruyant. Dégoulinant de respect et de crainte, il expliqua que sa fonda était pleine comme un œuf, envahie par ces comédiens du diable mais qu’il allait jeter tout ce monde-là dehors, les envoyer coucher dans une grange ou aux enfers, eux et tout ce que son auberge contenait pour faire place nette à Son Excellence.
    — Vous n’allez tout de même pas nous jeter dehors nous aussi ? gémit une voix qui semblait venir du ciel. Nous vénérons Madame la Duchesse d’Albe mais nous la supplions de tolérer au moins notre présence et de considérer que nous sommes non seulement femmes mais femmes de la bonne société.
    Deux dames, en effet, se tenaient sur le balcon de bois qui régnait tout au long de la façade et Gilles, cette fois, retint péniblement un juron car ces deux dames n’étaient autres que la señora Cabarrus et Thérésia…
    — Nous descendons ! cria encore Antoinette. Que Votre Excellence veuille bien nous faire la grâce de nous attendre.
    — Doux Jésus, souffla Cayetana. Qui peut bien être cette perruche ?
    — La femme de votre banquier, ma chère. La comtesse « de » Cabarrus et sa fille. D’excellentes amies à moi, mais pour l’heure je préfère qu’elles ne me voient pas et je vais rester un moment dans la voiture. Je me demande ce qu’elles font là !
    Retranché derrière les mantelets baissés, il put suivre la rencontre des trois femmes. Cayetana, renseignée par lui sur l’identité de son interlocutrice, fut aimable. Antoinette Cabarrus, volubile à son habitude, l’assassina de son amabilité envahissante, protestant de la joie qu’elle éprouvait à rencontrer la « plus grande dame de toutes les Espagnes », assurant ladite grande dame de son dévouement et l’implorant de lui laisser une « toute petite chambre » pour elle et sa « pauvre enfant ». Ses deux fils, François et Dominique, ainsi que le précepteur ecclésiastique, Don Bartholomeo, se contenteraient très certainement, pour leur part, de la grange ou même du poulailler…
    La vue réduite que Gilles

Weitere Kostenlose Bücher