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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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voit venir de Santa María des grenadiers de la Garde qui
escortent, entre autres, son ami l’employé d’ambassade en retraite Miguel Gómez
Morales, avec qui il a assisté, quelques heures plus tôt, aux incidents de l’esplanade
du Palais et qui ensuite, scandalisé par l’abomination de la fusillade
française, est allé se battre dans les environs de la Plaza Mayor. En passant,
mains liées, devant González, Gómez Morales l’appelle à l’aide.
    — Prévenez quelqu’un, pour l’amour
de Dieu ! N’importe qui… Ces sauvages vont me fusiller !
    Impuissant, l’écuyer voit un caporal
faire taire son ami en le frappant.
    Une autre file de prisonniers suit
le même chemin, dans laquelle figurent Domingo Braña Calbín, agent des tabacs
de la Douane royale, et Francisco Bermúdez López, valet de chambre au Palais.
Braña et Bermúdez comptent parmi les plus courageux de ceux qui ont lutté dans
les rues de Madrid, et plusieurs témoins permettront plus tard de connaître
leur histoire avec précision. Braña, Asturien, a quarante-quatre ans, et il a
été pris au moment où il se battait à l’arme blanche avec une vaillance
extrême, près de l’Hôpital général. Quant à Francisco Bermúdez, habitant de la
rue San Bernardo, il est sorti au début des événements armé de sa carabine
personnelle et, après avoir combattu toute la matinée là où les affrontements
étaient les plus intenses – « hardiment », affirmeront les témoins
dans une relation circonstanciée –, il a été fait prisonnier alors que, blessé
et épuisé, entouré d’ennemis et sa carabine encore à la main, il ne pouvait
plus se défendre. Antonio Sanz, portier de la salle des Alcades du Conseil de
Castille, l’identifie en le voyant passer, emmené par les Français, près de la
paroisse de Santa María. Peu de temps après, Juliana García, qui le connaît et
vit dans la rue Nueva, l’aperçoit de son balcon, entre d’autres prisonniers,
« boitant d’une blessure à la jambe et la figure brûlée par la
poudre ».
    D’autres ont plus de chance. C’est
le cas du jeune Bartolomé Fernández Castilla qui, place de l’Ángel, sauve
miraculeusement sa vie. Domestique dans la maison du marquis de Ariza, où loge
le général français Grouchy, Fernández Castilla est sorti se battre dès le
premier tumulte de la journée, armé d’un fusil de chasse. Il a assisté aux
combats de la Puerta del Sol et, après avoir lutté dans les ruelles qui vont du
cours San Jerónimo à la rue Atocha, il a été blessé par une décharge partie de
la Plaza Mayor. Son groupe dispersé, il est emmené par trois compagnons d’aventure
jusqu’à la maison de son maître et laissé devant le porche, où les gardes du
général français prétendent l’achever avec leurs baïonnettes. Une servante
l’aperçoit, appelle au secours, les autres domestiques accourent et font front
commun contre les Français. Coups et horions pleuvent des deux côtés, les
domestiques parviennent à faire entrer Fernández Castilla, et les esprits ne se
calment qu’à l’arrivée d’un aide de camp du général Grouchy qui ordonne
d’épargner le jeune homme et de le porter, prisonnier, sur une civière, au Buen
Retiro. Les domestiques protestent de nouveau, refusent de le livrer, et même
les cuisinières sortent pour tenir tête aux soldats impériaux. Le marquis en
personne, don Vicente María Palafox, finit par intervenir et convainc les Français
de respecter le blessé. Sous sa protection, le garçon restera quatre mois alité
avant de guérir de ses blessures. Des années plus tard, la guerre contre
Napoléon terminée, le marquis de Ariza tiendra à se présenter de sa propre
initiative devant la commission adéquate pour que les autorités accordent à son
domestique une pension en récompense des services rendus à la patrie.
    Tandis que, place de l’Ángel, la vie
de Bartolomé Fernández Castilla ne tient qu’à un fil, non loin de là, place de
la Provincia, le gardien-chef de la Prison royale, Félix Ángel, entend frapper
à la porte de derrière du bâtiment et va voir qui est là. Ce sont les
prisonniers sortis le matin pour se battre qui arrivent, les uns après les
autres. Beaucoup sont noirs de poudre, épuisés par la bataille, et aident leurs
camarades à marcher ; mais tous tiennent plus ou moins debout. Ils se
présentent seuls, deux par deux ou en petits groupes, à bout de souffle pour
avoir tant couru afin

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