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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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chef des troupes françaises pour le prier de ne pas aller trop loin
dans l’accomplissement de sa vengeance.
    — Ne pas aller trop loin,
dites-vous !… Vous allez tous voir jusqu’où je peux aller, je vous le
jure !
    Sans tarder un instant, hors de lui
et vociférant, Murat ordonne une série de représailles dont les moindres ne
sont pas d’exécuter sur-le-champ tout Madrilène coupable de la mort d’un
Français et de juger sommairement, condamnation à mort comprise, tout homme,
femme ou enfant pris les armes à la main, que ce soient des armes à feu ou de
simples couteaux, ciseaux ou tout instrument tranchant ou contondant. Il
ordonne également l’arrestation immédiate à son domicile de tout individu
suspect d’avoir participé à l’émeute et autorise les soldats impériaux à entrer
dans les maisons d’où l’on aura tiré sur eux.
    — Que faisons-nous des insurgés
du parc d’artillerie, Votre Altesse ?
    — Fusillez-les tous.
    — Il faut d’abord… Enfin… Il
faut que nous prenions le parc.
    Violemment, Murat se tourne vers le
général de division Lagrange.
    — Écoutez, Lagrange. Je veux
que vous vous mettiez au commandement du 6 e régiment de la brigade
Lefranc, qui fait mouvement de la route du Pardo par San Bernardino vers
Monteleón. Et qu’avec celle-ci, soutenue par de l’artillerie et autant de
forces qu’il sera nécessaire, y compris le bataillon de Westphalie et le 4 e provisoire, vous en finissiez avec la résistance du parc… Vous
m’entendez ?… Tuez-les tous.
    Le général, un soldat solide et dur,
vétéran des campagnes des Pyrénées, d’Égypte et de Prusse, claque des talons.
    — À vos ordres, Votre Altesse.
    — Je ne veux recevoir de vous
aucune communication, aucun rapport, aucun message. Compris ?… Je ne veux
rien savoir d’autre que la nouvelle de l’extermination des rebelles… Vous avez
bien entendu, général ?
    — Parfaitement, Votre Altesse.
    — Dans ce cas, exécution !
    Lagrange n’est pas encore en selle
que Murat se tourne vers Augustin-Daniel Belliard, également général de
division et chef de son état-major.
    — Belliard !
    — À vos ordres !
    Le grand-duc de Berg désigne d’un
geste méprisant les deux ministres espagnols qui attendent docilement d’être
reçus. Quelques semaines plus tard, tous deux se mettront sans réserve au
service du roi étranger Joseph Bonaparte. Pour l’instant, ils patientent sans
que personne s’occupe d’eux. Même les voltigeurs et les grenadiers de l’escorte
de Murat leur rient au nez.
    — Occupez-vous de ces deux
imbéciles. Gardez-les ici, mais hors de ma vue… J’ai trop envie de les faire
fusiller, eux aussi.
    Adossé à un montant déchiqueté de la
porte de Monteleón, le capitaine Luis Daoiz ne se fait pas d’illusions. Depuis
le désastre de la colonne française, il n’y a eu aucune attaque sérieuse, mais
les tireurs ennemis maintiennent leur pression. L’encerclement est total, et
les servants des canons espagnols restent le plus à couvert qu’ils le peuvent
pour éviter d’être touchés. Toute personne qui traverse la rue entre l’accès au
parc, le couvent de Las Maravillas et les maisons voisines doit le faire en
courant, au risque de recevoir une balle. Et, comme si cela ne suffisait pas,
le capitaine Goicoechea qui, avec ses Volontaires de l’État et un bon nombre de
civils, se tient posté aux fenêtres supérieures du bâtiment, annonce un
mouvement de canons ennemis du côté de la rue San Bernardo, à proximité de la
fontaine de Matalobos. Tout indique que les Français préparent un nouvel assaut
en règle et que, cette fois, ils sont bien décidés à ne pas échouer.
    — Comment vois-tu la
situation ? l’interroge Pedro Velarde.
    Daoiz regarde son ami, qui fume une
pipe. Son sabre est au fourreau et ses deux pistolets passés dans son
ceinturon. Avec plusieurs boutons de sa veste arrachés, son épaulette coupée et
la saleté du combat, il ressemble davantage à un contrebandier des Rondas qu’à
un officier d’état-major. Moi non plus, pense le capitaine, je ne dois pas
avoir meilleure allure.
    — Mauvaise, répond-il.
    Les deux militaires se taisent, en
écoutant les bruits de l’extérieur. À part quelques coups de feu sporadiques de
tireurs cachés, la ville est silencieuse.
    — Comment va le lieutenant
Ruiz ? demande Daoiz.
    — Son état est très grave. Il
n’a pas perdu connaissance et souffre

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