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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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plupart continuent de regarder avec confiance les deux capitaines.
Près du mur du verger de Las Maravillas, dans un groupe de civils armés de
fusils qui se reposent à l’abri des tireurs français, Daoiz remarque un garçon
de dix à onze ans – on lui a dit qu’il se nommait Pepillo Amador – qui est venu
avec ses frères et porte maintenant un shako français. Un peu plus loin, assise
par terre entre le forgeron Gómez Mosquera et le caporal d’artillerie Eusebio
Alonso, un énorme couteau de cuisine au creux de sa jupe, Ramona García
Sánchez, la fille du peuple, adresse au capitaine un sourire radieux quand
leurs regards se croisent.
    — Ils continuent à croire en
toi, dit Velarde. En nous.
    Daoiz hausse de nouveau les épaules.
    — S’il n’y avait pas ça,
répond-il avec simplicité, il y aurait longtemps que je me serais rendu.
    Entre une heure et deux heures de
l’après-midi, du balcon d’une maison de la rue Fuencarral, près de l’hospice,
l’homme de lettres et ingénieur de la Flotte à la retraite José Mor de Fuentes
assiste en compagnie de son ami Venancio Luna et du beau-frère de ce dernier,
qui est prêtre, au spectacle des bataillons français qui entrent, tambours
battants et aigles déployées, par la porte de Santa Bárbara. Après avoir tourné
dans la ville, Mor de Fuentes est venu chercher refuge ici, quand il s’est
heurté aux soldats impériaux en allant voir ce qui se passait au parc
d’artillerie. Arrêté au coin de la rue de la Palma par un piquet, il a pu
heureusement s’en tirer grâce à sa parfaite connaissance de la langue
française.
    — Tout cela prend mauvaise
tournure, commente Luna.
    — C’est le moins qu’on puisse
dire. J’ai eu de la chance de pouvoir monter chez vous.
    — Qu’avez-vous vu en
chemin ? s’intéresse le cousin ecclésiastique.
    Mor de Fuentes tient dans une main
un verre de xérès. De l’autre, il fait un geste suffisant, comme si rien de ce
qu’il a vu n’était digne de son ardeur patriotique.
    — Beaucoup de Français. Et, à
la fin, des habitants morts de peur et peu de gens dans la rue. Presque tous
les insurgés sont allés à Monteleón ou se déplacent par petits groupes.
    — On dit qu’on fusille des gens
au Prado, fait remarquer Luna.
    — Ça, je l’ignore. Malgré mes
efforts, je n’ai pas pu dépasser la fontaine de la Cibeles, car j’ai rencontré
la cavalerie française… Je voulais me rendre à la caserne des Gardes
espagnoles, où j’ai des connaissances. Avec, naturellement, l’intention de me
joindre à la troupe si celle-ci devait intervenir. Mais je n’en ai pas eu la
possibilité.
    — Vous êtes arrivé jusqu’à la
caserne ?
    — Eh bien… Pas vraiment. En
chemin, j’ai appris que le colonel Marimón avait donné l’ordre de fermer les
portes et de ne laisser personne sortir, et j’ai donc compris que ça n’en
valait plus la peine. Là-bas, apparemment, on s’est limité à livrer aux civils,
par-dessus le mur, quelques douzaines de fusils.
    — J’imagine qu’on a dû faire la
même chose dans les autres casernes.
    — Je n’ai entendu parler
d’armes distribuées au peuple que chez les Gardes espagnoles et les Invalides.
Et par la garnison de Monteleón, bien sûr… Pour le reste, Gardes wallonnes et
autres corps, je ne sais rien.
    — Vous croyez qu’ils vont finir
par sortir dans la rue ? demande le beau-frère curé.
    — Maintenant, avec les hommes
de Murat partout ?… J’en doute. C’est trop tard.
    — Bah… Croyez bien que je ne le
regrette pas. Cette populace armée est pire que les Français. En fin de compte,
Napoléon a restauré en France les autels que la Révolution avait profanés… Ce
qui importe, c’est que l’ordre soit rétabli et qu’il soit mis fin à cette
folie. Les gens de bien, les modérés, ceux qui aspirent à la tranquillité
publique, ne peuvent qu’être contre les troubles.
    Dans la rue résonne un coup de feu,
très proche, et les trois hommes, inquiets, quittent le balcon. Dans le salon,
assis sur un sofa, Mor de Fuentes sirote une autre gorgée de xérès.
    — Ce n’est pas moi qui vous
contredirai.
    Le colonel Giraldes, marquis de Casa
Palacio et commandant du régiment d’infanterie de ligne des Volontaires de
l’État, s’appuie sur la table de son bureau comme s’il allait s’écrouler d’un
moment à l’autre.
    — C’est votre parc, nom de
Dieu… Ce sont vos artilleurs qui sont à l’origine

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